L’art numérique fait une première apparition à la principale foire d’art contemporain au Moyen-Orient organisée à Dubaï, dans le riche émirat du Golfe qui veut devenir un hub international des cryptomonnaies.
Cette 15e édition d’Art Dubaï, qui a accueilli jusqu’à dimanche plus d’une centaine de marchands d’arts locaux et étrangers, a dédié une aile entière à l’art virtuel, regroupant 17 galeries et plateformes de vente de NFT ou objets numériques authentifiés.
Les NFT — « non-fungible tokens », jetons non fongibles en français — sont des certificats d’authenticité et de propriété infalsifiables, basés sur la technologie des chaînes de blocs (« blockchain »), la même que celle qui authentifie les transactions d’échanges de cryptomonnaies.
La directrice exécutive d’Art Dubaï, Benedetta Ghione, explique la décision de les mettre en valeur par « l’intérêt et les questions » qu’ils suscitent, mais aussi par « le rôle unique que veut jouer Dubaï en tant que hub crypto émergent ».
« C’était le bon moment et le bon endroit », ajoute-t-elle.
Après avoir signé en décembre un accord avec Binance, la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde, les autorités émiraties ont annoncé la semaine dernière l’adoption d’une loi sur les actifs virtuels et la création d’une autorité de régulation des crypto-actifs.
– Croissance exponentielle –
Cette étape « conforte la position des Emirats arabes unis dans ce secteur » et vise à assurer « la transparence et la sécurité pour les investisseurs », a commenté sur Twitter le souverain de Dubaï, cheikh Mohammed ben Rached Al-Maktoum.
Les galeries de NFT, elles, y voient un signal positif pour les affaires, les détenteurs de cryptomonnaies s’intéressant de plus en plus à l’art numérique comme moyen de placement.
« La communauté crypto à Dubaï croît de manière exponentielle », se réjouit Jennifer Stelco du collectif Morrow, qui présente une vingtaine d’oeuvres numériques, dont près de la moitié ont été produits par des artistes de la région.
Parmi elles, celle de Vesa, un artiste finlandais basé à Dubaï qui figure parmi les mieux cotés de la foire. Son tableau, mêlant peinture et photographies retouchées sur ordinateur, est proposé à 50 ethereum (une cryptomonnaie) soit l’équivalent d’environ 120.000 euros, au cours actuel.
« Aujourd’hui nous avons vendu une oeuvre de Magda Malkoun à 3 ethereum (environ 7.000 euros) », indique Jennifer Stelco.
Cette artiste libanaise réalise des images animées à partir de collages représentant sa ville, Beyrouth, sous les traits d’une femme.
Le boom mondial des NFT, illustré par la vente record l’année dernière de l’oeuvre de l’artiste américain Beeple à plus de 68 millions de dollars, a encouragé aussi la galerie Emergeast à se convertir à l’art numérique.
Première plateforme en ligne du Moyen-Orient, créée en 2014, Emergeance voit aujourd’hui dans les NFT une opportunité pour les artistes de la région « d’élargir leur audience, de toucher les collectionneurs d’art et les non-collectionneurs », explique sa cofondatrice, Nikki Meftah.
Cela leur permet aussi de mieux gagner leur vie puisqu’ils reçoivent des royalties à chaque fois que leur oeuvre est revendue, ajoute-t-elle.
Face à l’emballement des investisseurs pour les NFT, la sculptrice et peintre émiratie, Aïcha Juma, garde toutefois la tête froide. « Les gens s’intéressent au médium, à la technologie », affirme-t-elle.
L’artiste a rejoint le monde virtuel il y a quelques mois en retravaillant des croquis qu’elle dessine dans un état de méditation sur une tablette.
« La technologie est extrêmement importante, c’est indéniable, mais j’aimerais aussi que les gens s’intéressent à l’art et au message véhiculé », conclut-elle.
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