France World

Pourquoi le Bitcoin est en train de devenir vert ?

Depuis plusieurs années, le Bitcoin est sur la sellette en raison de sa consommation d’électricité et de son impact en terme de CO2. Pourtant, la situation est en train de changer. Pour des raisons de coûts, les mineurs s’approvisionnent de plus en plus auprès de sources d’énergie renouvelable. En recyclant divers déchets tels ceux de l’industrie du gaz naturel, ils sont en mesure de les employer de façon bénéfique. Au train où vont les choses, le Bitcoin pourrait en venir à avoir un bilan écologique positif !

Cela vous intéressera aussi

Lorsque l’on évoque le sujet du Bitcoin à des novices, il est courant de voir cette cryptomonnaie rejetée d’office pour deux raisons majeures : une trop grande consommation électrique et une contribution majeure à la pollution en CO2.

Qu’en est-il au juste ? S’il fallait résumer la situation en peu de mots, nous pourrions dire ceci. Oui, le Bitcoin et aussi d’autres cryptomonnaies ont longtemps été excessivement énergivores. Il ne servirait à rien de le nier. Toutefois, la situation s’améliore de mois en mois. Si tout continue sur la lancée actuelle, le Bitcoin pourrait même devenir « vert », c’est-à-dire afficher un bilan écologique positif.

Au premier abord, il pourrait sembler difficile d’accorder du crédit à de telles affirmations. Pourtant, nous allons nous efforcer de les démontrer ici.

D’où viennent les excès de consommation du minage de Bitcoin ?

Où se situe l’essentiel du problème ? Dans le fait que réseau Bitcoin requiert énormément d’électricité pour son fonctionnement. Bitcoin tout comme Ethereum et la plupart des premières cryptomonnaies apparues fonctionnent sur le modèle de la « preuve de travail ».

Dans un tel modèle, nous avons un grand nombre de mineurs qui effectuent un même calcul simultanément. Un seul d’entre eux sort gagnant de la compétition, et pour le démontrer, il doit produire ladite « preuve de travail ». Ce système engendre une dépense énorme en capacité informatique.

Des systèmes plus souples ont été inventés depuis, tel celui de la preuve d’enjeu. Pour faire simple, dans ce contexte, un tout petit nombre de validateurs sont désignés comme ayant la charge de valider les transactions. Ils sont généralement choisis en fonction du nombre de fonds qu’ils ont eux-mêmes investi, d’où le nom de preuve d’enjeu (en anglais : proof of stake). Les monnaies récentes fonctionnent généralement selon ce modèle et nous y reviendrons.

Les accusations de Alex de Vries de Digiconomist

Il reste que la consommation électrique du Bitcoin est régulièrement dénoncée. Ainsi, Digiconomist publie un index de la consommation énergétique du Bitcoin et celui-ci fait ressortir une progression inquiétante.

Digiconomist affirme qu’une simple transaction en Bitcoin utiliserait autant d’énergie que ce que consomme un foyer américain moyen en une année ! Digiconomist aime aussi à brandir des comparaisons alarmantes : l’empreinte carbone du minage de Bitcoin serait supérieure à celle des Émirats arabes unis et à peine inférieure à celle des Pays-Bas. Le réseau Bitcoin consommerait davantage chaque année qu’un pays comme l’Argentine.

Il faut le savoir : le site Digiconomist est géré par l’un des plus grands opposants au Bitcoin, le dénommé Alex de Vries. Ce dernier était chercheur à l’université d’Amsterdam lorsqu’il a commencé à évoquer de tels chiffres. C’est à partir du 26 novembre 2016, alors qu’il était entré à la Banque néerlandaise, que De Vries a commencé à publier son index de la consommation énergétique du Bitcoin.

Les données de Digiconomist ont peu à peu eu un fort impact. En mars 2021, Bill Gates a relayé les préoccupations de Alex de Vries et affirmé que Bitcoin était mauvais pour le climat. Quelques semaines plus tard, c’est Elon Musk qui a repris ce thème et déclaré que Tesla n’allait plus accepter les règlements en Bitcoin, pour la même raison.

Ce thème de la pollution du Bitcoin a amené certains législateurs à envisager de bannir le minage. Dans l’État de New York (qui représente 20 % de la production américaine de Bitcoin), un projet de loi a été déposé en ce sens. Et une loi similaire a pareillement été proposée en Suède, et la question est même soulevée au niveau de l’Europe entière.

Bien évidemment, il serait aisé de rétorquer aux détracteurs que l’automobile comme l’avion ont eu un impact écologique énorme mais qu’ils ont tout de même changé le quotidien de millions de personnes. Aurait-il fallu les bannir en leur temps ? Qui plus est, des solutions à leur surconsommation ont été développées au fil des années.

Avant tout, le souci vient de ce que les modèles d’estimations de Digiconomist seraient fallacieux si l’on en croit divers spécialistes de la question, notamment l’institut Coinshares.

Coinshares estime que l’impact de Bitcoin serait infime

En janvier 2022, une étude menée par CoinShares s’est attelée à produire une estimation la plus proche possible de la réalité. Pour ce faire, Coinshare a répertorié le nombre d’ASICprocesseurs servant à miner du bitcoin – en fonctionnement à tout moment. À partir des données de consommation de ces ASIC, CoinShares a déduit une moyenne mensuelle et a souhaité la mettre en perspective. Il en est ressorti pour 2021, une consommation de 82 TWh. Or, fait remarquer CoinShares, la consommation mondiale d’énergie a été de 162.194 TWh ;  82 TWh représentent donc 0,051 % du total.

L’institut a ensuite localisé toutes les machines de minage en usage sur la planète, afin de bien différencier pour chaque région les sources d’électricité et, à partir de là de l’émission de CO2 induite. Il est apparu qu’en 2021, les émissions de CO2 liées au Bitcoin ont été proches de 39 Mt (mégatonnes), soit 0,08 % du total mondial – 49.360 Mt. Une part infime, donc.

Le bannissement du minage par la Chine a rendu le minage plus écolo

Outre les chiffres de CoinShares, il importe d’observer quelle est la tendance générale. Sur le long terme, en matière d’écologie, elle est à l’amélioration. L’une des raisons vient de ce que, en mai 2021, la Chine a banni le minage sur son territoire. Un grand nombre des mineurs qui opéraient dans ce pays d’Asie ont donc trouvé refuge ailleurs, notamment aux États-Unis, qui est ainsi devenu le n° 1 mondial en la matière.

Aux États-Unis, Foundry, Marathon et Riot font partie des entreprises qui ont bénéficié de la décision chinoise de mai 2021. Foundry est même devenu la première société de minage du pays. Elle opère sur le modèle suivant : elle fournit des machines à d’autres sociétés, aide à leur financement et en retour, prélève un pourcentage des gains. À l’heure actuelle, Foundry mine environ 157 bitcoins par jour, soit environ 6,3 millions de dollars en février 2022.

Or, Mike Colyer, le P.-D.G. de Foundry, affirme ni plus ni moins que le minage va aider l’Amérique à accélérer sa transition des énergies fossiles aux énergies renouvelables. Car Foundry et ses partenaires signent de plus en plus de deals avec des fournisseurs d’énergie hydroélectrique ou solaire – le Texas, par exemple, développe fortement la capacité à puiser l’énergie du soleil. D’ores et déjà, ces énergies vertes représenteraient 71 % de la consommation de Foundry.

Nous trouvons un même son de cloche chez John Warren, qui dirige l’entreprise américaine de minage GEM. 91 % de ses installations puiseraient leur électricité auprès de sources renouvelables.

En Chine, l’électricité mise à contribution venait souvent de mines de charbon. Et, grâce aux interdictions chinoises, le charbon est entré en phase descendante dans l’usage du minage.

Le message d’espoir d’une société de minage française

Le Nantais Sébastien Gouspillou (qui dirige Biglock Datacenter) veut également voir là une tendance de fond. Biglock Datacenter se targue d’exploiter 95 % d’électricité verte. Et selon Gouspillou, si une forte proportion des fermes de minage se tourne vers les énergies renouvelables, c’est en partie par intérêt financier : les mineurs se désintéressent de l’énergie carbonée car elle est trop coûteuse.

Par principe, le souci des mineurs est de repérer des sources d’approvisionnement les moins chères possibles. Ils doivent en effet résoudre une équation : le coût d’exploitation de leurs installations informatiques doit être très inférieur à ce que rapporte le minage. Pour les acteurs de ce marché, le sens de l’Histoire va donc inéluctablement vers un Bitcoin vert. Comme les hydrocarbures tels que le charbon ou le pétrole se raréfient, leur prix augmente, et donc leur usage devient de moins en moins rentable. Seuls des pays fortement producteurs de charbon, comme le Kazakhstan, peuvent trouver un intérêt à user de cette énergie pour le minage.

Déjà en juillet 2021, Bitcoin Mining Council avait estimé que la part des énergies renouvelables dans le minage était de 56 % au niveau mondial.

Racheter à bas prix les surplus de production

L’une des grandes idées qui est apparue a été de racheter les surplus électriques, à un prix généralement égal à 10 % de ce que paye le consommateur moyen. Il se trouve que les producteurs d’électricité sont obligés de surdimensionner leurs installations afin de couvrir les besoins des populations quelle que soit la saison.

Les mineurs se sont donc mis à racheter les surplus d’énergies, des surplus qui à défaut seraient perdus ! Ainsi, Sébastien Gouspillou a raconté qu’en septembre 2019, il a été contacté par le Parc national de Virunga au Congo – une réserve naturelle de gorilles. Depuis de nombreuses années, ce Parc a lancé la construction de centrales hydroélectriques. Ils ont souhaité accueilli la ferme de minage de Biglock Datacenter en vue de leur revendre les surplus d’énergie produits par la centrale.

Grâce à cette exploitation des surplus, le minage de Bitcoin permet aux producteurs d’électricité d’être plus rentables et favorise le développement d’initiatives telles la réserve de Virunga.

Quand le Bitcoin récupère des déchets de l’industrie pétrolière

Là n’est pas tout. Bitcoin a pour avantage de pouvoir exploiter n’importe quelle source d’énergie, y compris celle issue de déchets polluants.

Ainsi, les torchères à gaz sont présentes sur les sites qui extraient du gaz naturel. Elles brûlent le gaz non désiré, issu de l’extraction et le rejettent dans l’atmosphère après combustion. D’après la Banque mondiale, 142 millions de m3 de gaz naturel ont été brûlés en 2020, soit 400 millions de tonnes de CO2 relâchées au passage.

Récemment, Brent Whitehead et Matt Lohstroh ont trouvé le moyen de récupérer ces gaz afin de produire une électricité peu coûteuse à destination des machines de minage. Ces deux étudiants de l’université du Texas ont fondé Giga Energy Solutions en vue d’exploiter leur trouvaille. En 2021, 4 millions de dollars ont été engendrés grâce à cette innovation.

Il se trouve que l’un des atouts des mineurs est leur mobilité. Il est aisé de déplacer des containers équipés de matériel de minage près d’une source d’énergie. Un réseau peut donc s’implanter quasiment n’importe où. CoinShares estime donc que dans les années à venir, les mineurs s’empresseront d’adopter des moyens de production d’énergie verte et qu’ils pourront le faire aisément, en raison de leur mobilité. Dès lors qu’une part importante du minage reposera sur ces principes, CoinShares estime que le réseau Bitcoin pourrait en arriver à avoir une empreinte carbone négative.

Un foisonnement d’initiatives vertes

En parallèle, les initiatives vertes se multiplient. Ainsi, au Canada, North Vancouver a établi un partenariat avec MintGreen afin que l’énergie produite par le minage de cryptomonnaie puisse servir à chauffer des édifices de la municipalité. Moss, une entreprise brésilienne dédiée à la protection de l’environnement, entend contribuer à limiter la déforestation de la forêt amazonienne en vendant des hectares de propriété représentés sous forme de NFT. La branche germanique de WWF a lancé une initiative similaire de protection des animaux. Au Zimbabwe, la société d’investissement The Sun Exchange a sollicité la communauté Bitcoin afin d’aider au financement de centrales solaires. Sébastien Gouspilliou de BigBlock DataCenter, pour sa part, a lancé en février 2022 une levée de fonds en vue de financer un parc international de minage à proximité de sources d’énergies renouvelables, notamment les gaz de torchères évoqués plus haut.

L’histoire du Bitcoin va dans le sens d’une réduction de consommation

Là n’est pas tout. Dans un pays tel que le Salvador qui a adopté le BTC comme monnaie nationale, les transactions sont effectuées au travers d’une surcouche de Bitcoin appelée le Lightning Network. Il en résulte une consommation infime pour chaque transaction. Les autres pays aptes à utiliser le BTC comme monnaie sont appelés à suivre ce même exemple.

De plus, d’ici 2040, 99 % des bitcoins auront été minés. À partir de là, le traitement des transactions représentera l’essentiel de la consommation d’électricité. Elle sera donc beaucoup plus faible qu’aujourd’hui.

Les nouvelles blockchains sont écolos

Dernier point, les projets plus récents de cryptomonnaies n’utilisent qu’une fraction de la puissance énergétique nécessaire pour le Bitcoin, du fait qu’elles recourent à des systèmes plus sûrs tels que la preuve d’enjeu.

Parmi les blockchains fort populaires qui utilisent fort peu d’énergie figurent :

Solana (SOL) ;
Polkadot (DOT) ;
Tezos (XTZ) ;
Cardano (ADA) ;
Avalanche (AVAX) ;
Algorand (ALGO) ;
Polygon (MATIC).

Selon Carbon Ratings, de toutes ces blockchains, c’est Polkadot (DOT) qui revendique la plus faible consommation électrique et la plus faible émission de carbone.

Il résulte de ces divers faits que le Bitcoin est en train d’accomplir sa révolution verte et qu’il en est de même pour les autres cryptomonnaies. Ainsi, Ethereum est en train de muter vers un modèle à preuve d’enjeu, ce qui va réduire considérablement sa consommation. Cryptomonnaie est donc appelé à rimer de plus en plus avec écologie.

Intéressé par ce que vous venez de lire ?

www.futura-sciences.com

L’article Pourquoi le Bitcoin est en train de devenir vert ? est apparu en premier sur zimo news.