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A Courchevel, les Russes ne pavoisent plus

Une rue de Courchevel (Savoie), en décembre 2020. MAXIME GRUSS / HANS LUCAS

A Courchevel 1850, principauté de la mode de luxe et de la fourrure véritable, rarement étoffe aura fait autant débat. C’est une campagne d’appels téléphoniques à l’office du tourisme qui a eu raison du bout de tissu inflammable : début mars, une semaine après l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine, on a baissé le drapeau russe. Il flottait sur la Croisette, le centre névralgique de la station d’altitude de Courchevel (Savoie), aux côtés de celui de nations européennes dont les ressortissants apprécient le domaine skiable, l’ambiance opulente et festive.

La décision n’a pas été sans mal : Courchevel sait ce qu’elle doit aux Russes. Sa métamorphose en pôle alpin du luxe a été portée depuis vingt-cinq ans par les dépenses somptuaires d’oligarques, de leurs familles et des nuées de jeunes filles qui souvent les accompagnaient dans des chalets loués à la semaine, pour une somme à six chiffres.

« Normalement, la semaine du 8 mars, c’est la semaine des fourrures et des “escorts”. Tu en vois, toi ? » Téléobjectif au bras, Huseyin Surber a le temps de discuter. Peu de Russes à photographier, malgré cette Journée internationale des droits des femmes, officialisée dès 1921 en Russie et fériée dans la plupart des anciennes républiques soviétiques, dont les grandes fortunes se pressent à Courchevel, cette semaine-là. Cette année, les festivités du 8-Mars ont été annulées et les salons de coiffure des hôtels n’ont pas débordé de clientes russophones.

Si la station éditait son journal people, le photographe pourrait utilement y contribuer : il est incollable sur les familles royales du Golfe, très nombreuses cet hiver, comme sur les hommes d’affaires russophones et leurs épouses, reconnaissables à leurs combinaisons de ski intégrales, griffées des grands noms du luxe.

« Une tristesse infinie »

Ses techniques d’approche en russe lui sont beaucoup moins utiles depuis la mi-février. A l’approche de la guerre, les Russes de l’Est se sont envolés comme une nuée d’étourneaux, témoignent chauffeurs de taxi, moniteurs de ski ou vendeurs des boutiques de luxe. « That’s it ! Finito ! », a écrit, le 3 mars sur Instagram, Ilona Kotelyukh, vidéo d’hélicoptère à l’appui. Le départ de cette « influençeuse-voyageuse » avait une portée symbolique : elle est surtout la compagne du milliardaire Nikolaï Sarkisov, copropriétaire des assurances Reso-Garantia et investisseur majeur à Courchevel, ces dernières années.

Il reste les Russes de Suisse, de Londres ou de Monaco. Ou ceux qui se moquent bien de la chute du rouble, de l’interdiction des avions russes ou des difficultés d’obtention des visas. « Les Russes qui viennent à Courchevel ont tous une double nationalité », témoigne un agent immobilier de luxe, spécialiste de cette clientèle, qui déplore toutefois de nombreuses annulations. Passeports israélien, lituanien, biélorusse, ukrainien, chypriote, monégasque, moldave : la liste est longue. La location d’un avion privé immatriculé en Europe, que l’on rejoindra en Finlande, en Turquie ou dans les pays baltes, est anodine pour une clientèle sans résidence fixe et qui compte en euros ou dollars. « Ceux qui ont beaucoup d’avoirs en roubles sont les sympathisants du régime, dit Marc Naman, responsable des transactions de Barnes. Ici, il y en a peu. »

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