Tribune. La guerre en Ukraine a mis en lumière les pratiques des kleptocrates russes qui transfèrent des milliards d’euros depuis leur pays pour les investir à Londres et dans d’autres grands centres financiers mondiaux, incitant les dirigeants politiques d’Europe et des Etats-Unis à sévir contre cet argent sale. On pense que ces oligarques russes détiennent jusqu’à mille milliards de dollars [environ 918 milliards d’euros] de richesse à l’étranger, souvent cachés dans des sociétés offshore dont l’identité du véritable propriétaire reste difficile à déterminer. Se concentrer uniquement sur les oligarques russes serait cependant une terrible erreur.
Dans le but de saper l’effort de guerre de la Russie, la Commission européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis ont annoncé le lancement d’un groupe de travail transatlantique contre les oligarques russes, les fonctionnaires proches du Kremlin et leurs avocats, les agents immobiliers et d’autres « facilitateurs ». Cette action vise à identifier et geler les avoirs détenus par ces derniers dans les pays concernés. Néanmoins, cette déclaration ne dit rien des kleptocrates du reste du monde, comme ceux des pays en développement qui cachent leurs avoirs dans les paradis fiscaux d’Europe et du monde entier.
Urgence à agir
L’année dernière, l’enquête des « Pandora Papers » a notamment montré que des centaines de responsables publics de plus de quatre-vingt-dix pays, tels que le Kenya et la Jordanie, utilisaient des sociétés fictives afin de cacher de l’argent à l’étranger. Ils se soustrayaient ainsi au paiement des impôts avec l’aide de banques et de cabinets d’avocats d’envergure mondiale.
Plus récemment, l’enquête « Suisse Secrets » a révélé que la banque Credit Suisse gérait 100 milliards de dollars cachés par des milliers de clients liés à la corruption, au trafic de drogue, à l’évasion fiscale et d’autres crimes majeurs – la majorité d’entre eux provenant de pays en développement, dont le Venezuela, l’Egypte et l’Ukraine.
S’attaquer au secret de la finance offshore et aux abus fiscaux, sans se restreindre aux kleptocrates russes, n’a jamais été aussi urgent que dans le contexte pandémique que nous connaissons aujourd’hui. Chaque année, 1 600 milliards d’euros sont blanchis par des criminels, soit l’équivalent de 2,7 % du PIB mondial, tandis que presque 7 000 milliards d’euros de richesse privée sont cachés dans des paradis fiscaux. Pendant ce temps, 100 millions de personnes sont poussées dans l’extrême pauvreté par la pandémie, alors même que le fossé séparant riches et pauvres continue de se creuser.
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