Sur le terrain, face à l’invasion russe, l’armée ukrainienne peut compter sur l’appui de volontaires venus de tout le pays grossir les rangs de la « défense territoriale ». En ligne, le pays a aussi enrôlé des soldats, mais d’un autre type : sans armes à feu, munis de leur téléphone et de leur clavier. Des dizaines de milliers d’Ukrainiens sont en effet mis à contribution par les autorités pour porter leurs messages sur les réseaux sociaux, en particulier en direction de l’étranger.
Avec bientôt 200 000 abonnés sur Telegram, la chaîne Інтернет Війська України (Armée Internet d’Ukraine) est le navire amiral de ce contingent civil lancé dans la guerre de l’information. Sa stratégie est claire : maintenir la pression sur les alliés de l’Ukraine afin d’intensifier l’aide fournie au pays et isoler un peu plus la Russie de la scène internationale. Sa méthode est simple : demander à ses membres de poster un maximum de commentaires, préalablement traduits et prêts à être copiés-collés, sur les comptes de diverses « cibles » sur les réseaux sociaux, que ce soit pour les sensibiliser ou pour leur faire cesser de faire affaire en Russie.
L’identité de ses administrateurs n’est pas connue (ils n’ont pas répondu aux messages du Monde) mais leur organisation millimétrée et leur stratégie les suggèrent proches du gouvernement ukrainien.
Un système bien rodé
Les objectifs sont variés : Shell, McDonald’s, Bill Gates, le footballeur allemand Manuel Neuer, le groupe de métal Rammstein ou encore Madonna. Les priorités suivent de près l’actualité de la guerre qui ravage le pays. Ainsi, les administrateurs de la chaîne Telegram ont, par exemple, demandé aux milliers de membres d’interpeller les ministres de la culture européens pour bannir les chaînes d’Etat russes.
Au lendemain du bombardement et de l’incendie dans la centrale de Zaporijia, le 4 mars, une longue liste de comptes Twitter et Facebook de personnalités (Sean Penn, Cristiano Ronaldo, Paul McCartney, Billie Eilish, etc.) est établie et les responsables de la page incitent les membres à leur faire parvenir des messages pour éviter une « nouvelle catastrophe radioactive ». Cette chaîne Telegram a aussi encouragé ses membres à poster des messages réclamant une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine ou la livraison d’avions de combat directement sur les comptes d’Emmanuel Macron, de Florence Parly et de Jean Castex, mais aussi sur ceux de Boris Johnson et d’Olaf Scholz.
Les illustrations qui circulent dans le canal Telegram L’armée Internet d’Ukraine et que les abonnés de cette dernière sont incités à diffuser reprennent les principaux axes de communications du gouvernement, comme celui d’imposer une zone d’exclusion aérienne. CAPTURE D’ÉCRAN
Les Russes sont aussi ciblés. Dans un message posté le 7 mars, l’Armée Internet d’Ukraine conseille de viser des influenceurs russes sur les réseaux sociaux. « A cause de la propagande, les Russes ne savent pas ce qu’il se passe vraiment en Ukraine. (…) Notre but est de corriger ça », explique l’un des administrateurs, dans un message vu plus de 120 000 fois. Les abonnés à la chaîne Telegram sont ensuite incités à choisir un influenceur russe, parmi une longue liste. Un texte en russe, incitant à dénoncer la guerre, accompagne le tout. Il est également suggéré de joindre à son message des photos de soldats russes capturés.
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