L’Union européenne (UE) ne s’en est pas cachée. Lorsqu’ils ont, le 2 mars, pris la décision inédite de débrancher sept banques russes du système financier international Swift, les 27 Etats membres ont pris soin d’épargner le géant Sberbank et Gazprombank, au cœur du commerce des hydrocarbures, en raison de la forte dépendance de plusieurs Etats européens au gaz russe. La majeure partie des paiements pour les livraisons de gaz et pétrole russes à l’UE transitent par ces deux établissements.
Le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a aussitôt réagi, jugeant sur Twitter cette situation « inacceptable ». « La Pologne, a-t-il dit, exige que les sanctions englobent pleinement toutes les entités russes par lesquelles la guerre est financée. » Les revenus du pétrole, de produits raffinés et du gaz apportent une manne considérable à la Russie : plus d’un tiers de son budget général en 2021.
Par des sanctions graduelles, les dirigeants de l’UE pourraient toutefois convenir cette semaine de réduire la dépendance de l’Union aux importations d’hydrocarbures russes. Déjà, « même si les importations de pétrole russe ne sont pas interdites, les banquiers sont inquiets des sanctions qui ne cessent d’évoluer, qui peuvent cibler certains navires transportant du pétrole, par exemple », explique Joydeep Sengupta, avocat au sein de l’équipe conformité et réglementation du cabinet Mayer Brown.
« Impératif moral » pour les fonds
L’activité des groupes bancaires auprès des énergéticiens russes ne se limite pas à assurer leurs flux financiers. Le 3 mars, une coalition internationale d’ONG a appelé banques, assureurs et gestionnaires d’actifs à cesser tout nouveau soutien, dans le pays, à des projets gaziers, pétroliers et charbonniers. « Les institutions financières ont l’impératif moral d’agir pour enrayer la machine de guerre de [Vladimir] Poutine et, donc, pour cesser tout soutien aux industries qui contribuent à l’alimenter », déclare Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, à propos du président russe.
Le fonds d’investissement BlackRock assure avoir cessé, depuis le 28 février, d’acheter des titres russes. Reclaim Finance appelle la société américaine à « immédiatement élargir ses positions aux entreprises non russes actives en Russie, à commencer par TotalEnergies ». La major française du pétrole et du gaz – dont BlackRock est actionnaire à près de 6 % – a, jusque-là, maintenu ses activités en Russie, à l’inverse de BP, de Shell ou d’Exxon.
Plusieurs institutions françaises font également partie des principaux financeurs et investisseurs dans le secteur russe des hydrocarbures. Le Crédit agricole a ainsi accordé des prêts et autres financements à la société Gazprom à hauteur de 800 millions de dollars (737 millions d’euros) entre 2019 et 2022, selon les données de l’agence Bloomberg. Par ailleurs, le groupe bancaire français a investi, à ce jour, 21 millions de dollars dans le pétrolier Rosneft. Contacté, il affirme qu’« il n’y a plus de nouveau financement consenti à des contreparties russes depuis le début du conflit » – sans préciser combien de temps cela durera.
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