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ReportageLa décrue extraordinaire du deuxième plus grand fleuve d’Amérique du Sud dure depuis près de deux ans. Potabilisation de l’eau, activité des petits pêcheurs, transport : les conséquences de cette sécheresse sont multiples.
L’eau boueuse s’arrête et laisse à nu un sable sec, sur des centaines de mètres, alors que ce bras du rio Parana bordant la ville de Rosario, à 300 kilomètres au nord de Buenos Aires, devrait normalement baigner les racines des arbres. Pour rejoindre la rive, un homme a troqué sa barque pour un cheval. Partout ici apparaissent des repères d’une normalité perdue depuis mars 2020 et la décrue historique du deuxième plus grand fleuve d’Amérique du Sud – qui prend naissance au Brésil, avant de longer le Paraguay puis de traverser une partie de l’Argentine pour retrouver le rio de la Plata, voie de sortie vers l’océan Atlantique. Les échelles des petits quais individuels des maisons de vacances se jettent dans le vide, quand l’eau en léchait auparavant les premières marches. Une langue entière de sable, où affleurent parfois une bouteille en plastique échouée ou un poisson mort, reste à découvert.
Julian Aguilar, ancien pêcheur, constate que la profondeur du fleuve Parana a baissé de moitié, à Rosario (Argentine), le 17 février 2022. Avant le reflux, l’eau atteignait les arbres de la côte. ERICA CANEPA POUR « LE MONDE » Des pontons sur la côte de l’île El Espinillo sur le fleuve Parana. Aujourd’hui, ces pontons sont inutilisables car le niveau d’eau est trop bas pour l’accostage, à Rosario (Argentine), le 17 février 2022. ERICA CANEPA POUR « LE MONDE »
La raison de cette aridité se trouve dans le ciel, au beau fixe. Les précipitations déficitaires, avec une sécheresse régionale qui sévit depuis mi-2019, doivent perdurer, selon une note de l’Institut national de l’eau argentin (INA, organisme public), publiée début février : « La perspective, jusqu’au 30 avril 2022, ne permet pas d’espérer un rapide retour à la normalité, il est probable que [la situation] dure jusqu’à la deuxième moitié de l’automne [du 21 mars au 20 juin, dans l’hémisphère Sud]. » « Les niveaux d’eau sont de 3,60 mètres à 3,70 mètres inférieurs à la normale du mois de février, si l’on prend comme référence le fleuve à la hauteur de Rosario », remarque Juan Borus, ingénieur à l’INA. Il faut remonter aux archives de la période 1944-1946 pour retrouver une telle sécheresse. « Mais, actuellement, les conséquences sont plus importantes car nous sommes beaucoup plus dépendants du fleuve Parana », poursuit-il.
C’est l’eau de ce fleuve que les stations de potabilisation puisent, pour alimenter la région. « Le Parana étant plus bas, les pompes doivent davantage descendre, ce qui est plus coûteux, tout comme sa potabilisation, car la concentration en contaminants est plus importante », explique Juan Borus. Avec un débit réduit, la production hydroélectrique – qui fournit plus d’un tiers de l’électricité argentine – se révèle également chahutée. « Aujourd’hui, la couverture hydroélectrique est de l’ordre de 25 % », note Juan Borus.
Des poissons plus petits
A bord de son bateau de pêche El Tormentoso (« l’orageux »), Julian Aguilar, 62 ans, cheveux blancs et peau burinée, interpelle un confrère. Le sexagénaire est désormais le référent de la pêche artisanale continentale, au sein du ministère de l’agriculture. Devant lui, se dessine la côte de la ville, en un point mouchetée de bleu et jaune, les couleurs du stade de l’un de ses clubs de foot mythique, le Rosario Central. « Alors, combien tu pêches ? » « Peu », rétorque, laconique, Jorge Beliza, 26 ans, en tirant 250 mètres de filet depuis son bateau Les Trois-Gamins, en référence à ses trois fils. Il finit par faire émerger un prochilode rayé, une espèce grise, connue ici sous le nom de sabalo.
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