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Près de la frontière avec l’Ukraine, les Hongrois se mobilisent pour accueillir les déplacés

À la frontière entre l’Ukraine et la Hongrie, les Hongrois se sont mobilisés pour mettre en place un accueil pour les déplacés. Des centres d’hébergement ont été ouverts et des collectes de nourriture organisées. Mais après dix jours de conflit et déjà plus de 140 000 personnes arrivées en Hongrie, les bénévoles et les municipalités s’inquiètent pour les prochains mois.

Julia Dumont, envoyée spéciale à Zahony, Hongrie.

Ce sont de toutes petites villes, voire des villages de quelques centaines d’habitants, qui ne s’attendaient pas à se retrouver au cœur de l’actualité. Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, le 24 février dernier, des Ukrainiens et des étrangers vivant dans le pays ont commencé à affluer en Hongrie, majoritairement par les trois points de passage principaux que compte la frontière (Zahony, Beregsurany et Tiszabecs), longue d’une centaine de kilomètres.

En quelques jours, les municipalités des environs ont mis sur pieds toute une logistique pour permettre aux exilés de se mettre à l’abri et de reprendre des forces, avant de repartir vers Budapest. Sur les quelque 1 200 000 personnes qui ont déjà fui l’Ukraine, près de 145 000 sont entrées en Hongrie, selon le Haut-commissariat des nations unies aux réfugiés (HCR).

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À Beregsurany (640 habitants en 2008), la maison de la culture a été transformée en centre d’accueil. Cette grande bâtisse jaune clair sert désormais de lieu de stockage pour les denrées alimentaires, ainsi que pour les produits d’hygiène et pour bébés que des Hongrois de tout le pays ont apporté afin d’aider à leur manière les arrivants.

Il y a quelques jours, Attila Tozsarigo a posté un message sur son compte Facebook pour collecter des affaires. En deux jours, ce professeur d’histoire, qui vit à 200 km de Beregsurany, a reçu de la nourriture, des couches et même sept poussettes pour les déplacés. Il a chargé sa voiture et fait la route pour apporter tout cela à la maison de la culture, explique-t-il dans la petite cour, à l’arrière du bâtiment, alors qu’une nouvelle famille ukrainienne descend d’un van.

Une famille ukrainienne arrive au centre de Beregsurany, le 3 mars 2022. Crédit : InfoMigrants

Chauffeurs bénévoles

Plusieurs fois par jours, des personnes arrivées au poste-frontière sont amenées ici en voiture. Elles peuvent se reposer, se restaurer et charger leur téléphone dans la salle principale du bâtiment ou dans les deux conteneurs placés dans la cour. Une centaine de lits de camp ont également été installés dans un gymnase attenant, au cas où certains auraient besoin de dormir un peu, ou de passer la nuit.

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Maria, 18 ans, et Yana, 16 ans, sont arrivées, jeudi 3 mars, vers 5 heures du matin, à Beregsurany. Toutes deux originaires de la ville de Jytomyr, elles ont fait connaissance dans le centre et prévoient de poursuivre leur route vers l’Autriche avec leurs familles.

Maria a quitté Jytomyr en bus avec sa mère, sa sœur et son chien Luna qu’elle caresse sur ses genoux tout en parlant. Sur son téléphone, elle montre les images de la ville dévastée par les bombardements qu’elle a filmées depuis le bus. Après une nuit de repos dans le gymnase, elle et sa famille attendent de trouver un moyen de rejoindre Zahony afin d’y prendre le train pour Budapest.

Dans la cour de la maison de la culture, des bénévoles de l’Ordre de Malte en gilets rouge gèrent l’organisation des départs vers Zahony et d’autres villes. « Les gens remplissent des fiches avec leur nom et le lieu où ils souhaitent aller. On les trie par destination et on met ensuite les personnes en contact avec des chauffeurs bénévoles qui viennent se proposer pour faire un trajet », explique l’un d’eux.

Rejoindre la gare de Zahony

À une quarante de kilomètres plus au nord, les personnes arrivant d’Ukraine peuvent franchir le poste-frontière de Lonya à pieds ou en voiture. Elles sont ensuite récupérées par des proches ou par des bénévoles qui viennent sur cette route pour les emmener au centre d’accueil de ce village de 800 habitants. Jeudi matin, une voiture s’arrête au niveau d’une femme qui marche le long de la route. Tirant une valise d’une main et portant de l’autre un panier à chat, elle fond en larmes dans les bras du conducteur à sa sortie du véhicule. Sur le pare-brise arrière de la voiture, le mot Ukraine suivi d’un cœur avait été tracé.

Un couple se retrouve au poste-frontière de Lonya, le 3 mars 2022. La femme vient juste d’arriver d’Ukraine. Crédit : Dana Alboz/ InfoMigrants

À cinq minutes en voiture de là, le centre d’accueil de Lonya est plein de bénévoles qui s’activent. Comme à Beregsurany, un ballet régulier de voitures vient déposer devant le bâtiment des personnes récupérées à la frontière. Le centre regorge de nourriture et de produits d’hygiène. À l’étage, une vingtaine de lits ont été installés. « Nous sommes en lien avec des organisations caritatives qui peuvent proposer plus de places d’hébergement si besoin », précise toutefois Toth Tamas, l’un des bénévoles.

Mais le plus urgent est de permettre aux personnes de rejoindre Zahony.

Cette petite ville (environ 4000 habitants) est devenue, en quelques jours, le principal point de transit entre l’Ukraine et la Hongrie. Ici aussi, un centre d’hébergement a été ouvert, dans le lycée technique de la ville.

Depuis le 28 février, les élèves ont quitté les lieux et suivent désormais leurs cours en ligne. En quelques jours, le gymnase et les salles de classe ont été transformés en dortoirs. Jeudi 3 mars, le lieu accueille environ 250 personnes. Galina est arrivée le jour même avec son fils Ignat, 4 mois. Elle se repose quelques heures avant de reprendre la route, direction l’Allemagne où elle a des proches.

Galina et son fils Ignat, 4 mois, sont arrivés à Zahony, le 4 mars 2022, depuis la ville d’Odessa, dans le sud de l’Ukraine. Crédit : Dana Alboz/ InfoMigrants

« Je ne me suis jamais sentie aussi utile de ma vie »

Ici, comme dans tous les autres centres de la région, l’organisation repose à 100% sur la communauté locale. « Vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui sont impliquées », souligne une professeure du lycée qui participe très activement à l’accueil mais ne souhaite pas que son nom soit publié. Capable de parler hongrois, anglais, russe et ukrainien, elle est vite devenue indispensable au fonctionnement du centre. « Je ne me suis jamais sentie aussi utile de ma vie, glisse-t-elle. Mais je suis épuisée, je dors 4 heures par nuit depuis des jours. La journée, je donne mes cours et ensuite je viens aider au centre ou bien à la gare. »

Les anglophones sont une ressource précieuse pour les centres d’accueil car si les premiers Ukrainiens à arriver, fin février, parlaient bien souvent hongrois, étant originaires de la région frontalière de Transcarpathie, ce n’est plus le cas maintenant. L’anglais est utile pour donner aux déplacés des informations sur les transports et les démarches administratives.

Il faut notamment expliquer aux Ukrainiens qui arrivent sans passeports qu’ils vont être emmenés à Cigand, à une petite quarantaine de kilomètres, pour obtenir un laisser-passer des services hongrois de l’immigration.

La mobilisation des Hongrois est admirable mais combien de temps va-t-elle durer ? Selon les projections des Nations unies, quelque 250 000 personnes pourraient avoir rejoint la Hongrie au cours des prochains mois. Les bénévoles ne pourront pas gérer tous les déplacés seuls. Certains, comme Toth Tamas, devront finir par reprendre leurs études ou leur emploi.

Le maire de Zahony, Laszlo Helmeczi, dans le centre d’hébergement de la ville, le 4 mars 2022. Crédit : Dana Alboz/ InfoMigrants

À Zahony, le maire Laszlo Hemeczi est déjà à bout de force. Dans le hall du centre d’accueil de la ville, il lance, blanc comme un linge : « Je ne dors plus. Il suffit de regarder mon visage pour voir comment je me sens ».

Depuis des jours, il coordonne l’aide humanitaire dont la ville a besoin et poste régulièrement sur Facebook des appels à apporter ce qui manque. Pour le moment, le système fonctionne encore mais l’édile met en garde : « Nous sommes seuls. Nous n’allons pas pouvoir continuer comme ça pendant longtemps ».

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