Depuis le début de l’offensive militaire russe en Ukraine, la menace nucléaire a pris une place considérable dans le conflit. Agitée à dessein par le président russe, Vladimir Poutine, elle a pris une acuité nouvelle avec l’attaque menée par la Russie contre un bâtiment de la centrale de Zaporijia, l’une des quatre centrales ukrainiennes, dans la nuit du 3 au 4 mars. Les déclarations musclées de ces derniers jours entre Moscou et les Occidentaux atteignent un seuil jamais vu depuis la crise des missiles de Cuba, en 1962. Les ambiguïtés de la doctrine russe en matière de dissuasion et ses larges stocks d’armes nucléaires de plus courtes portées, dites « non stratégiques », entretiennent des incertitudes, même si de nombreux experts relativisent cette menace nucléaire.
« Les Russes se servent du nucléaire pour nous impressionner, nous faire peur, nous diviser », résume Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste des questions de dissuasion. « Donc si la question est de savoir s’ils s’apprêtent à employer des armes nucléaires, pour moi, la réponse est non. Je ne vois pas ce qui permettrait d’avancer cette thèse. Il ne faut pas s’inquiéter pour de mauvaises raisons », considère M. Tertrais.
Parmi ces idées fausses, selon le chercheur, figure notamment la thèse selon laquelle la Russie aurait, ces dernières années, abaissé ses « seuils » d’emploi de l’arme nucléaire, comme en cas de défaite tactique. Une idée ancienne qui a fait particulièrement florès à partir de 2018, lorsque l’administration de l’ancien président américain Donald Trump (2017-2021) a produit une analyse de la doctrine russe aujourd’hui battue en brèche. Cette analyse développait une théorie dite « de l’escalade pour la désescalade », où l’administration Trump estimait que la Russie envisageait la « menace » d’une escalade nucléaire, ou « l’emploi en premier » d’armes nucléaires, comme un moyen de gagner la guerre, ou du moins d’obtenir des conditions de sortie plus favorables – par exemple en dissuadant un belligérant d’entrer dans ce conflit.
« Une forme de sentiment de confiance »
« Les seuils de l’emploi du nucléaire chez les Russes ont très bien été précisés dans leur doctrine publiée en 2010. Depuis vingt ans, la Russie a élevé le seuil nucléaire, insiste encore M. Tertrais. Pour moi, il y a moins de risques que l’armée russe emploie l’arme nucléaire aujourd’hui qu’il y a vingt ans. » Un des principaux arguments plaidant en ce sens, selon le chercheur, est le fait que l’armée russe est en bien meilleur état aujourd’hui. M. Poutine a, en effet, considérablement modernisé les forces russes depuis 2010. « Ses succès en Crimée en 2014, et en Syrie à partir de 2015 pour soutenir le régime de Bachar Al-Assad, ont contribué à une forme de sentiment de confiance », abonde Benjamin Hautecouverture, maître de recherches à la FRS.
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