La chape de plomb sur la liberté d’expression et d’informer s’alourdit encore à l’Est. En pleine invasion de l’Ukraine, la Russie a pris des mesures sévères, vendredi 4 mars, contre les médias avec l’adoption de textes prévoyant de lourdes sanctions pénales en cas de diffusion d’« informations mensongères sur l’armée ». Dans le même temps, le régulateur russe a ordonné le blocage du réseau social Facebook, accusé de « discriminer » des médias russes tels que la télévision du ministère de la défense Zvezda ou l’agence de presse RIA Novosti. D’après les journalistes présents en Russie, le réseau social de Meta ne fonctionnait plus sans VPN vendredi.
Le régulateur Roskomnadzor avait déjà annoncé, vendredi 25 février, « limiter son accès ». Selon ses dirigeants, Facebook s’était vu demander d’arrêter de fact-checker et de labelliser « média d’Etat » certains contenus émanant de médias officiels russes. Demande à laquelle les dirigeants de Facebook ont refusé d’accéder.
Le réseau social avait rejoint lundi les rangs des plates-formes numériques ayant suspendu en Europe les comptes des médias d’Etat russes RT et Sputnik, à la demande notamment de la Commission européenne.
Avec Facebook bloqué en Russie, « des millions de Russes ordinaires seront bientôt privés d’informations fiables », a déploré Nick Clegg, président des affaires internationales du groupe américain. Si les Russes utilisent davantage la plate-forme Vkontakte (équivalent de Facebook) et Telegram, Facebook et sa filiale Instagram, de même que YouTube ou TikTok, font partie des espaces d’information pour une part de la population, dans un paysage médiatique de plus en plus contrôlé où les titres indépendants sont progressivement poussés à cesser leur couverture des événements.
Roskomnadzor a également commencé vendredi à « restreindre l’accès » à Twitter après avoir bloqué peu auparavant Facebook, ont annoncé les agences de presse russes.
Ces blocages s’inscrivent dans un contexte législatif de plus en plus coercitif pour les médias indépendants travaillant en Russie.
Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a signé vendredi une loi introduisant de lourdes peines de prison pour toute personne qui publierait des « informations mensongères » concernant l’armée, en ces temps d’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les textes, adoptés auparavant par les députés et qui s’appliquent à la population en général, et non aux seuls professionnels de l’information, prévoient également des peines pour les « appels à imposer des sanctions à la Russie », qui est confrontée à de dures mesures de rétorsion occidentales.
Les peines encourues, pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison, seront appliquées contre ceux qui diffusent des « informations mensongères » entraînant des « conséquences sérieuses » pour les forces armées russes.
« Criminaliser le journalisme indépendant »
Les mesures prises permettent aux autorités de renforcer leur arsenal pour contrôler le récit qu’elles font à la population russe de l’invasion de l’Ukraine, présentée comme une opération limitée visant à protéger les Ukrainiens russophones d’un « génocide ». Les autorités russes ont interdit aux médias d’utiliser des informations autres que les déclarations officielles sur ce sujet. Elles ont banni l’utilisation de mots comme « guerre » et « invasion ».
Anticipant la promulgation de cette loi, la BBC a dénoncé des mesures qui visent à « criminaliser le journalisme indépendant » et annoncé la suspension du travail de tous ses journalistes en Russie. Son directeur général, Tim Davie, a précisé que la BBC continuerait à informer en russe depuis l’extérieur de la Russie. L’audience de son site en russe s’est envolée à 10,7 millions en moyenne hebdomadaire depuis le début de l’invasion, le 24 février.
Le journal russe indépendant Novaïa Gazeta a fait savoir qu’il se voyait « obligé de supprimer nombreux contenus » pour éviter les sanctions, mais qu’il souhaitait « continuer à travailler ».
Le régulateur avait auparavant annoncé avoir restreint l’accès à la BBC, à la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle (DW), au site russe indépendant Meduza (sis à Riga), à Radio Svoboda, antenne russe de RFE/RL (Radio Free Europe/Radio Liberty), à Voice of America et à d’autres sites d’information non nommés.
Huit mille manifestants arrêtés en Russie
Jeudi, la chaîne de télévision indépendante par Internet Dojd avait annoncé la suspension de son activité, et l’emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou), sa dissolution à la suite du blocage de leurs sites.
« Après la liquidation d’Ekho Moskvy, nous sommes obligés de supprimer tous les comptes de la radio dans les réseaux sociaux, dissoudre notre site », a déclaré vendredi son rédacteur en chef, Alexeï Venediktov, sur sa chaîne YouTube.
Le site d’information économique russe The Bell a aussi annoncé vendredi avoir décidé de ne plus couvrir la guerre en Ukraine, afin de protéger ses journalistes des sanctions pénales.
Les médias ne sont pas les premiers touchés. Selon l’ONG OVD-Info, plus de 8 000 personnes ont été arrêtées en Russie pour avoir manifesté, notamment à Moscou et à Saint-Pétersbourg (Nord-Ouest), contre l’invasion de l’Ukraine depuis le jour de son déclenchement.
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