« Notre travail de collecte de preuves a commencé », a déclaré le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, en annonçant, le 2 mars, l’ouverture d’une enquête sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis en Ukraine depuis novembre 2013 et les premières manifestations de Maïdan. Une première équipe logistique a quitté La Haye, jeudi 3 mars, pour se rendre « dans la région ». La veille, le procureur avait été saisi par trente-neuf des cent vingt-trois Etats membres de la Cour, principalement occidentaux. Au risque de politiser l’affaire, M. Khan les avait sollicités afin d’accélérer l’ouverture de l’enquête. Sans cette saisine, il aurait dû réclamer, preuves à l’appui, l’aval des juges de la Cour avant de pouvoir entamer les investigations.
La CPI ne sera pas seule dans la chasse aux preuves. Dès l’entrée des premiers chars sur le territoire ukrainien, des dizaines d’enquêteurs, d’experts balistiques et militaires, indépendants ou membres d’ONG, ont commencé à traquer les preuves numériques de potentiels crimes et auprès d’Ukrainiens partageant leurs photos et leurs vidéos. « Jusqu’ici, il fallait souvent des mois, voire des années, pour qu’une communauté open source émerge et commence à analyser les informations, explique Eliot Higgins, le fondateur de Bellingcat, une organisation qui a enquêté sur les crimes au Yémen et sur les affaires Skripal et du vol MH 17. Avec l’Ukraine, nous avons commencé avant même le début du conflit », constate-t-il. Les recherches visent à débusquer les preuves pour dénoncer et prévenir les crimes, et pour alimenter les dossiers à venir de la CPI ou de tribunaux nationaux. De nombreux Etats européens se sont dotés de la « compétence universelle » leur permettant de juger les auteurs de crimes de guerre, même étrangers.
La première fois que des preuves ont été massivement récoltées en temps de guerre, c’est en Irak. Certaines des pièces saisies avaient été utilisées au procès de Saddam Hussein, condamné à mort et pendu en 2006. La guerre en Syrie a vu de nombreux belligérants se transformer en enquêteurs. Formés à la collecte de preuves par des anciens du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et de la CPI – dont le canadien Bill Wiley, fondateur de la Commission pour la justice internationale et la responsabilité –, des Syriens ont récolté des milliers de documents dans les bâtiments du régime pris par l’opposition. Ils ont documenté dans le détail les chaînes de commandement du régime syrien et ses crimes.
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