Nouveau soupir de soulagement, profond celui-là, pour la 3e économie d’Amérique latine : après un « accord de principe » fin janvier, Argentine et FMI ont jeudi finalisé un accord détaillé sur le refinancement de la colossale dette du pays, visant à stabiliser une économie notoirement fébrile.
Et la bouffée d’air se fit ballon d’oxygène. Après deux ans de négociations, un « pré-accord », puis cinq semaines d’ultimes tractations sur le diable dans les détails, Argentine et Fonds monétaire International ont pu annoncer un accord « technique » sur une voie économique pour le pays pour les prochaines années.
L’accord scelle le modus operandi du refinancement de la dette argentine, environ 45 Mds de dollars envers l’institution multilatérale de Washington, legs d’un prêt contracté en 2018 par le précédent gouvernement (centre-droit) de Mauricio Macri. Prêt record pour le FMI, et pour lequel M. Macri avait salué l’appui marqué de l’ex-président américain Donald Trump.
Le FMI a souligné que l’accord portait sur « un programme pragmatique et réaliste, avec des politiques économiques crédibles pour renforcer la stabilité macroéconomique et relever les défis (…) de l’Argentine en matière de croissance durable », « de forte inflation persistante » (50,9% en 2021) et d’ »amélioration crédible des finances publiques ».
– Budget: objectif équilibre 2025 –
Obtenu « après d’intenses négociations », selon l’Argentine, l’accord concrétise le pré-accord annoncé fin janvier par les deux parties. Il évite à l’Argentine d’être confrontée, dès 2022, puis en 2023, à des échéances de remboursement d’environ 19 Mds de dollars, absolument « impayables » selon Buenos Aires.
Il prévoit des remboursements étalés, après une « période de grâce » de quatre ans, de 2026 à 2034, en contrepartie d’objectifs macro-économiques pour l’Argentine, dont une réduction graduelle du déficit budgétaire visant 0,9% du PIB en 2024 (contre 3% actuellement), a expliqué le gouvernement. « Et zéro en 2025 », a précisé le FMI.
Le programme, s’est félicité Buenos Aires, permet des « conditions de stabilité nécessaires » pour « une croissance durable et inclusive ». L’Argentine a renoué en 2021 avec la croissance (+10,3%) après trois ans de récession, dont un an fortement lié au Covid.
L’accord doit encore être présenté au Conseil d’administration du FMI, et au Parlement argentin pour approbation. La Chambre des députés devrait débuter son examen lundi.
Cet examen pourrait ne pas être une partie de plaisir pour le gouvernement: la coalition de centre-gauche au pouvoir du président Alberto Fernandez n’est majoritaire ni au Sénat ni à la Chambre basse, même si dans chaque instance elle constitue le groupe le plus important.
Régulièrement, elle est confrontée à des manifestations des secteurs de gauche et syndicaux, réclamant de ne pas rien payer car « la dette est envers le peuple, pas le FMI », dans un pays comptant 40% de pauvres.
– Energie: les hauts revenus paieront plus –
La « letra chica » (les petits caractères) de l’accord n’ont pas été dévoilés avant d’être soumis aux législateurs. Mais ces derniers jours, le gouvernement a pris soin de rassurer. M. Fernandez a promis mardi au Parlement qu’il n’y aurait « pas de réforme des retraites », « pas de réforme du droit du travail », que « les flambées des prix c’est fini », et que la discipline budgétaire « ne remettra pas en cause nos politiques de justice sociale ».
Le bât blessera bel et bien, mais en fonction des revenus. La porte-parole gouvernementale Gabriela Cerruti a expliqué que la baisse des subventions publiques que réclamait le FMI, dans l’énergie notamment, serait « segmentée », les hausses des factures épargnant les plus vulnérables.
Pourquoi un accord, où le mot « ajustement » a soigneusement été évité, fonctionnerait-il cette fois-ci, pour une économie toujours malade malgré une vingtaine de recours au FMI depuis les années 50 ?
« Parce qu’il est basé sur des objectifs réalistes, sur une approche pragmatique, et +l’appropriation+ du programme par les autorités argentines », a commenté jeudi Ilan Golfajn, directeur au FMI pour l’Hémisphère occidental, soulignant « un apprentissage des expériences passées ».
Reste l’inconnue de la réaction de la rue aux premières factures. « Nous savons que cet accord va générer des coupes dans tout ce qui est social », se résignait jeudi auprès de l’AFP Karina Rios, 45 ans, dans une discrète manifestation anti-FMI. « Ce que nous voulons, c’est des créations d’emplois pour aller de l’avant ».
Inconnue, enfin, du degré de coopération de l’opposition au Parlement, avec en ligne de mire la présidentielle de 2023. « Nous avons pleine confiance en les autorités argentines (…) pour obtenir le soutien politique », a estimé M. Golfajn.
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