Une solidarité « à géométrie variable » ? Alors que plus de 870 000 civils ont fui la guerre en Ukraine vers les pays limitrophes, des voix s’élèvent pour dénoncer une différence de traitement, médiatique et politique, de la question des réfugiés selon leurs origines. Jusqu’à présent, les centaines de milliers d’Ukrainiens qui fuient la guerre à laquelle se livre la Russie dans leur pays ont reçu un immense élan de solidarité et sont accueillis à bras ouverts en Europe. Mais quand Syriens, Irakiens et Afghans fuyaient eux aussi des conflits locaux, les dirigeants européens ont évoqué une « crise des migrants ».
Cerains propos ont également choqué. En France, le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges (MoDem), a fait polémique en déclarant que les Ukrainiens seraient une « immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit ». L’éditorialiste Christophe Barbier a, lui, affirmé qu’il y avait « un geste humanitaire évident » à avoir avec les Ukrainiens, notamment parce qu’ils « sont des Européens de culture ».
Pour Michel Agier, anthropologue et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), « la solidarité avec le peuple ukrainien, sur place ou s’exilant, est sans comparaison avec les épisodes précédents » de vagues migratoires. Selon le directeur du département politique de l’Institut convergences migrations, co-auteur de Babels. Enquêtes sur la condition migrante (Points essai, 1 024 p., 12,50 euros), cette solidarité inédite s’explique par les « relations diplomatiques et géopolitiques » de proximité entre l’Ukraine et l’Europe.
Plusieurs pays européens, dont la France, se sont montrés volontaires pour accueillir les réfugiés ukrainiens. Comment expliquer cette posture d’ouverture ?
Michel Agier : D’abord, on peut se réjouir d’entendre des mots de solidarité à l’égard des personnes réfugiées et d’observer un moment de solidarité européenne prendre forme en quelques jours avec l’Ukraine.
Pour beaucoup, l’Ukraine est un pays européen et sa position de pays-tampon avec la Russie en fait une zone sur laquelle toute l’attention des dirigeants européens et mondiaux se porte. La guerre se déroule aux portes de l’Europe. La solidarité avec le peuple ukrainien, sur place ou s’exilant, est sans comparaison avec les épisodes précédents. Cela doit nous éclairer sur un fait général, à savoir que les relations géopolitiques et diplomatiques sont déterminantes dans la reconnaissance du statut de réfugiés.
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