C’est une nouvelle décision historique en Amérique latine. Depuis lundi 21 février, l’avortement n’est plus un délit en Colombie. La Cour constitutionnelle de ce pays andin a opté pour la dépénalisation de l’avortement jusqu’à la vingt-quatrième semaine de grossesse. Après cette date, précise la cour, l’avortement peut encore être légalement effectué dans les trois cas autorisés depuis 2006, à savoir si la grossesse résulte d’un viol, si la santé de la femme est en danger ou si le fœtus est mal formé. Dans ce pays de tradition catholique, encore très croyant faute d’être pratiquant, cette décision fait débat.
Adoptée par cinq voix contre quatre, elle a créé la surprise. Jusqu’alors, l’avortement était passible d’une peine de seize à cinquante-quatre mois de prison. « La Colombie est subitement devenue un pays ultra-progressiste », s’étonne et se réjouit Elisa Tamayo, militante pour l’avortement légal, qui, lundi, est venue manifester son soutien aux magistrats de la Cour constitutionnelle. Très peu d’Etats autorisent en effet l’avortement après vingt semaines de gestation.
Hypocrisie de la société
Des centaines de jeunes femmes se sont retrouvées devant le bâtiment du haut tribunal, dans le centre de Bogota, pour célébrer « une décision historique ». Les militantes de Causa Justa, la coalition d’organisations qui a saisi la Cour constitutionnelle, brandissaient joyeusement leurs drapeaux verts, couleur de la lutte pour le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Accrochée à un cintre métallique, instrument des avortements clandestins, une pancarte indiquait « Plus jamais ça ». Au son des tambours, les manifestantes scandaient : « Il faut avorter… le patriarcat ! »
Paradoxe : sur les quatre femmes que compte la Cour, trois ont voté contre la dépénalisation de l’avortement. « On le savait déjà : être femme ne fait pas de toi une féministe, commente Elisa Tamayo. Mais sans les féministes, rien n’aurait bougé. La dépénalisation de l’avortement n’est pas un cadeau des magistrats, c’est une victoire de la lutte des femmes colombiennes. »
Les féministes dénonçaient depuis longtemps l’hypocrisie d’une société où les nanties avortent dans des cliniques privées, pendant que les femmes des régions rurales ou des quartiers les plus pauvres le font, quand elles le peuvent, dans des conditions précaires, voire sordides. Moins dangereux qu’ils ne l’ont été dans le passé, les avortements clandestins causent encore la mort de quelque 70 femmes par an, selon le ministre colombien de la santé. La dépénalisation partielle de l’IVG, en 2006, n’avait pas mis fin aux inégalités. Les autorités estiment à 400 000 le nombre d’avortements pratiqués chaque année, dont moins de 10 % légalement.
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