Déjà condamnés pour meurtre dans cette affaire, trois Américains blancs viennent d’être reconnus coupables, mardi 22 février, de « crime raciste » par un jury fédéral. Travis McMichael, 36 ans, son père Gregory McMichael, 66 ans, et leur voisin William Bryan, 52 ans, avaient déjà été reconnus coupables du meurtre d’Ahmaud Arbery, un jeune joggeur noir qu’ils avaient pourchassé et tué.
Ce premier procès, au terme duquel ils ont été condamnés à la prison à vie par la justice de l’Etat de Géorgie, n’avait fait qu’effleurer la dimension raciste du drame, contrairement à ce second procès fédéral, qui a mis cette question au centre des débats.
Peu après l’annonce du verdict, la famille d’Ahmaud Arbery est sortie du tribunal en se tenant les mains levées en l’air, en signe de victoire. « Nous avons obtenu justice pour Ahmaud », a déclaré à la presse son père, Marcus Arbery. « Cela a été une longue et éprouvante bataille », a ajouté la mère d’Ahmaud Arbery, Wanda Cooper-Jones. « Nous avons obtenu une victoire aujourd’hui, mais il y a tellement de familles pour qui ce n’est pas le cas », a-t-elle rappelé.
« Personne ne devrait craindre en sortant courir d’être pris pour cible et tué à cause de la couleur de sa peau », a déclaré mardi le ministre de la justice américain, Merrick Garland, lors d’une conférence de presse l’ayant montré par moments visiblement ému. « Ahmaud Arbery devrait être en vie aujourd’hui », a-t-il insisté, tout en « saluant » le verdict. Ce dernier « dit clairement que le ministère de la justice continuera à utiliser toutes les ressources à sa disposition pour s’attaquer aux actes de haine, et faire rendre des comptes à ceux qui les perpètrent », a ajouté M. Garland.
Violentes insultes racistes
Une femme tient une pancarte en hommage à Ahmaud Arbery, devant le palais de justice du comté de Glynn, aux Etats-Unis, le 24 novembre 2021. MARCO BELLO / REUTERS
Durant le procès, l’accusation a notamment listé les insultes racistes particulièrement violentes proférées par les trois hommes par le passé, dans le but de rendre compte de l’état d’esprit des accusés lorsqu’ils se sont lancés à la poursuite d’Ahmaud Arbery. Selon la procureure, le fils McMichael avait par exemple qualifié les Afro-Américains de « criminels », de « singes », « de sauvages et de sous-hommes ».
Les délibérations du jury, composé de huit personnes blanches, trois noires et une hispanique, ont duré moins d’une journée. Ahmaud Arbery « a été lynché pour avoir fait un jogging tout en étant noir », a déclaré mardi à la presse l’avocat de la famille, Ben Crump, qui avait également défendu les proches de George Floyd, un Afro-Américain mort asphyxié lors de son interpellation par des policiers blancs.
« Je crois qu’il s’agit de la première condamnation fédérale d’un crime motivé par la haine dans l’Etat de Géorgie », a-t-il ajouté. Le « crime motivé par la haine » désigne traditionnellement aux Etats-Unis un acte dirigé contre une personne ciblée en raison de certaines caractéristiques de son identité.
Il y a deux ans presque jour pour jour, le 23 février 2020, Ahmaud Arbery, 25 ans, faisait un jogging à Brunswick, une localité côtière de Géorgie, quand il a été pris en chasse par les trois hommes, armés et à bord de deux pick-up. Après quelques minutes de course-poursuite, Travis McMichael l’avait abattu.
Pendant plus de deux mois, la police n’avait procédé à aucune interpellation. Il aura fallu la diffusion d’une vidéo du drame, relayée massivement sur Internet, pour que l’enquête commence. Ahmaud Arbery était ensuite devenu un emblème du mouvement Black Lives Matter (« les vies noires comptent ») lors des grandes manifestations antiracistes de 2020.
Lors de leur premier procès, les trois hommes avaient assuré avoir pris le jeune Afro-Américain pour un cambrioleur actif dans le quartier et avoir voulu l’arrêter. A l’approche du procès fédéral, le père et le fils McMichael avaient passé un accord de plaider-coupable avec les procureurs, admettant pour la première fois avoir nourri des préjugés racistes.
La famille s’était alors farouchement opposée à cet accord, a rappelé mardi la mère Wanda Cooper-Jones, dénonçant la décision des procureurs. Cet accord, qui aurait permis aux deux hommes d’être transférés dans une prison fédérale, avait finalement été invalidé par une juge.
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