Tribune. Le risque de guerre ouverte entre la Russie et l’Ukraine, les inquiétudes quant à l’avenir de l’Afrique de l’Ouest ou encore les conséquences de l’alliance Aukus [un accord militaire entre l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sur la zone Indo-Pacifique] ont, pour une fois, imposé les questions internationales dans les thématiques de la campagne présidentielle. Mais, de nouveau, il existe un « angle mort » : l’Amérique latine.
Cette région a traditionnellement été l’oubliée de la France. Cela est dû, en partie, à une proximité historique, linguistique et culturelle avec l’Europe, qui alimente
– paradoxalement – le rejet de toute analyse approfondie de la part de certains décideurs politiques et économiques. Souvent, ils se confortent avec des idées reçues sur un sous-continent qu’ils voient avec une certaine condescendance, tant son rôle est considéré comme périphérique dans les grands équilibres internationaux. Malgré une augmentation progressive du nombre de latino-américanistes dans les administrations et les universités ces dernières années, la place accordée à l’Amérique latine dans la réflexion française est restée exiguë.
Or, cette région vit de profondes transformations. Si la France souhaite maintenir son rang diplomatique, l’Amérique latine doit revenir dans le radar de l’Elysée, afin de mettre en œuvre une politique renouvelée qui bénéficie de moyens appropriés et de l’attention présidentielle.
Montée en puissance de la Chine
L’Amérique latine n’est plus la chasse gardée des Etats-Unis. Elle est devenue l’un des principaux théâtres de la rivalité stratégique sino-américaine. En 2001, le commerce de la Chine avec les pays latino-américains s’élevait à quelques centaines de millions de dollars. Vingt ans plus tard, la Chine est devenue l’un des principaux partenaires commerciaux de la plupart d’entre eux et ne compte pas en rester là. En témoigne le dernier « plan d’action » adopté, mi-décembre 2021, par la Communauté d’Etats latino-américains et caribéens pour la coopération avec la Chine, qui prévoit de renforcer les investissements et les projets communs en matière de sécurité-défense et dans le domaine spatial, sans oublier les échanges sur les questions sanitaires liées au Covid-19.
Face à cette offensive continue, les Etats-Unis n’ont pas hésité à dénoncer un « piège chinois de la dette », comme en Afrique ou en Asie. Mais, jusqu’à présent, Washington a été incapable de répondre à ce défi, y compris dans des pays considérés comme proches, tels que la Colombie ou le Mexique, où des entreprises chinoises ont récemment remporté des appels d’offres pour équiper les métros de Bogota et Mexico. Désormais, c’est sur le plan politique que cette rivalité se manifeste : la rupture par le Nicaragua de ses relations diplomatiques avec Taïwan, en décembre 2021, est un coup dur pour l’île – mais aussi pour les Etats-Unis. L’entrée, le 6 février, de l’Argentine dans les « nouvelles routes de la soie » [un programme chinois de construction d’infrastructures à travers le monde], malgré l’aide apportée par l’administration Biden à ce pays dans la renégociation de sa dette au FMI, vient confirmer cette dynamique. Désormais, vingt pays latino-américains ont adhéré au projet chinois.
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