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Credit Suisse : les listings qui relancent le scandale de corruption de Siemens au Nigeria

Par Le Monde

Publié aujourd’hui à 18h01

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Enquête« Suisse Secrets » | Condamné, en 2008, pour son rôle dans cette affaire, Eduard Seidel, ancien cadre dirigeant du groupe industriel allemand, a détenu six comptes dans la banque zurichoise, dont la justice n’avait pas connaissance.

Un an de prison avec sursis et 240 000 euros d’amende : Eduard Seidel a limité la casse. Le jugement du tribunal de Munich pour corruption d’agents publics étrangers, prononcé contre lui le 30 octobre 2008, ne le privera pas de la liberté. M. Seidel est pourtant l’une des figures majeures de l’un des plus grands scandales de corruption touchant une entreprise européenne au Nigeria. Une affaire qui a valu à Siemens, le groupe industriel allemand, des perquisitions spectaculaires, et a abouti à plus de 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) d’amende.

L’instruction de la justice allemande a permis de détailler le rôle joué par M. Seidel dans cette vaste entreprise de corruption de dirigeants nigérians afin de gagner des contrats pour le compte de Siemens, au moyen de valises de cash, de montres de luxe, mais aussi en payant les frais médicaux ou l’école des enfants de certains d’entre eux.

Si M. Seidel a finalement bénéficié d’une condamnation plutôt clémente, c’est que les enquêteurs allemands n’ont jamais trouvé la trace d’un enrichissement personnel dans ces opérations. Quatorze ans plus tard, l’enquête « Suisse Secrets » relance cette hypothèse.

« Suisse Secrets » est une enquête collaborative basée sur la fuite d’informations issues de plus de 18 000 comptes bancaires administrés par Credit Suisse depuis les années 1940 jusqu’à la fin des années 2010. Ces données ont été transmises par une source anonyme, il y a un peu plus d’un an, au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, qui les a partagées avec quarante-sept médias internationaux, dont Le Monde et le consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project ou OCCRP.

Ces données ont été passées au peigne fin par 152 journalistes issus de trente-neuf pays. Ceux-ci ont, en outre, interrogé d’anciens responsables de la banque, ainsi que des régulateurs et des magistrats anticorruption, et analysé de multiples dossiers judiciaires et déclarations financières. La personne à l’origine de cette fuite a tenu à conserver l’anonymat, mais a accepté d’expliquer sa motivation : dénoncer les effets du secret bancaire suisse sur la communauté internationale. Selon cette source anonyme, « le prétexte de la protection de la confidentialité financière n’est qu’une feuille de vigne couvrant le rôle honteux des banques suisses en tant que collaboratrices des fraudeurs fiscaux ».

Les données bancaires confidentielles obtenues par le quotidien Süddeutsche Zeitung révèlent qu’Eduard Seidel a détenu pas moins de six comptes bancaires, chez Credit Suisse, ainsi que dans son ancienne filiale Clariden Leu. Ces comptes, dont les procureurs allemands ayant travaillé sur l’affaire n’avaient jamais eu vent, comme ils l’ont déclaré au journal allemand, ont brassé une petite fortune : au moins 54,5 millions de francs suisses (34,5 millions d’euros). Des sommes que le salaire confortable d’Eduard Seidel chez Siemens (environ 300 000 euros par an) ne permet pas d’expliquer.

Pots-de-vin et contrats bidon

Le premier compte suisse d’Eduard Seidel a été ouvert l’année où il a pris la tête de la branche télécommunications du groupe Siemens, en 1985. Cinq autres comptes ont suivi dans les décennies suivantes, alors que l’Allemand consolidait son entregent dans les hautes sphères publiques du Nigeria, l’un des principaux moteurs économiques du continent africain, où Siemens était solidement implanté. Pour s’octroyer leurs faveurs, il a partagé la table des présidents et hauts gradés de l’armée, visité les bureaux des ministres et des dirigeants d’entreprises publiques, comme Nitel, le principal opérateur télécoms nigérian.

Lui-même l’a reconnu auprès des enquêteurs allemands : aucun contrat public ne pouvait se gagner sans verser de 15 % à 30 % de pots-de-vin en sous-main aux officiels nigérians – pour obtenir des informations confidentielles sur les marchés, voire influencer la décision d’attribution. La pratique était d’autant plus décomplexée que la corruption de dirigeants étrangers était pendant longtemps légale en Allemagne : les dessous-de-table étaient consignés dans les comptes de Siemens sous la rubrique « dépenses utiles », et défiscalisables.

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