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Credit Suisse : en Arménie, ces millions que l’ex-président avait omis de déclarer

Par Jérémie Baruch, Maxime Vaudano etSamson Martirosyan

Publié aujourd’hui à 11h53, mis à jour à 12h30

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Enquête« Suisse Secrets » | Armen Sarkissian, qui a démissionné il y a quelques semaines de la présidence arménienne, disposait de quatre comptes à Zurich. L’un d’eux aurait dû figurer dans sa déclaration d’intérêts.

LE MONDE ET SÜDDEUTSCHE ZEITUNG D’APRÈS PATRICK BAZ / AUDITOIRE

C’est une information qui risque de ternir un peu plus l’image d’Armen Sarkissian, après sa démission précipitée de la présidence de l’Arménie sur fond de scandale de passeport doré. Les données confidentielles de « Suisse Secrets » révèlent que l’ancien président arménien a détenu plus de 10 millions de francs suisses (8,1 millions d’euros) à Credit Suisse. Une information que l’intéressé n’avait pas jugé utile de rendre publique, en contravention avec les règles de transparence arméniennes.

Parmi les quatre comptes bancaires suisses qu’il a détenus, conjointement avec des membres de sa famille, trois remontent à l’époque où il était retiré des affaires publiques. Dans les années 2000, après avoir occupé les postes de premier ministre et d’ambassadeur, M. Sarkissian s’était reconverti dans le privé, au Royaume-Uni. Il est réputé s’être considérablement enrichi pendant cette période, en conseillant des multinationales du pétrole, de la finance et des télécoms, des groupes industriels, ainsi que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). On le disait incontournable dans les grands « deals » pétroliers et gaziers conclus par les Occidentaux en Russie et au Caucase.

« Suisse Secrets » est une enquête collaborative basée sur la fuite d’informations issues de plus de 18 000 comptes bancaires administrés par Credit Suisse depuis les années 1940 jusqu’à la fin des années 2010. Ces données ont été transmises par une source anonyme, il y a un peu plus d’un an, au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, qui les a partagées avec quarante-sept médias internationaux, dont Le Monde et le consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project ou OCCRP.

Ces données ont été passées au peigne fin par 152 journalistes issus de trente-neuf pays. Ceux-ci ont, en outre, interrogé d’anciens responsables de la banque, ainsi que des régulateurs et des magistrats anticorruption, et analysé de multiples dossiers judiciaires et déclarations financières. La personne à l’origine de cette fuite a tenu à conserver l’anonymat, mais a accepté d’expliquer sa motivation : dénoncer les effets du secret bancaire suisse sur la communauté internationale. Selon cette source anonyme, « le prétexte de la protection de la confidentialité financière n’est qu’une feuille de vigne couvrant le rôle honteux des banques suisses en tant que collaboratrices des fraudeurs fiscaux ».

C’est le quatrième compte Credit Suisse d’Armen Sarkissian qui soulève le plus d’interrogations, puisqu’il est resté actif après son retour dans le corps diplomatique. Doté de 10,6 millions de francs suisses (8,6 millions d’euros) au moment de la nomination de son titulaire – pour la troisième fois – comme ambassadeur au Royaume-Uni, en 2013, ce compte est resté actif jusqu’en janvier 2016. Il n’y a là rien d’illégal, mais Armen Sarkissian a omis de faire figurer ce compte dans les multiples déclarations d’intérêts qu’il a déposées au titre des années 2013 à 2016.

Questionné par notre consortium sur cet oubli, Armen Sarkissian a fourni des explications confuses. Il a d’abord affirmé, à tort, que ses comptes « étaient fermés bien avant » sa nomination, avant d’insister sur le fait qu’il exerçait ses fonctions d’ambassadeur à titre bénévole, ce qui le prémunissait, selon lui, de tout conflit d’intérêts. Mais il n’a pas clarifié la raison pour laquelle 8 millions d’euros de son patrimoine figurent bien dans sa déclaration, et non ses millions en Suisse.

« Devenu citoyen sans le savoir »

Cette information n’est que la dernière d’une longue liste de secrets éventés progressivement par la presse au sujet de l’ancien président arménien. Peu après son élection, en 2018, nos confrères du site Hetq avaient détaillé l’immense toile tissée par M. Sarkissian dans le milieu des affaires à travers le monde, en contradiction manifeste avec sa biographie officielle. En novembre 2021, le même média arménien avait révélé les liens du chef d’Etat avec une SCI française propriétaire d’une coquette propriété parisienne près de l’Arc de triomphe, achetée pour plus de 7 millions d’euros, dix ans plus tôt.

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