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Agriculture, médecine… 25 ans après Dolly, les désillusions du clonage

En 1997 naissait Dolly, le premier mammifère cloné à partir d’une cellule adulte. Vingt-cinq ans plus tard, la technique n’a pas connu la démocratisation espérée par certains scientifiques mais a ouvert tout un champ de recherches médicales. 

Il y a 25 ans, en février 1997, le monde découvrait avec stupéfaction, à la télévision, les images de la brebis Dolly, le premier mammifère conçu par clonage reproductif à partir d’une cellule adulte. Dans la communauté scientifique, l’annonce fait l’effet d’une déflagration, certains saluant « une révolution », d’autres alertant d’ores et déjà sur les risques éthiques d’une telle pratique. 

En réalité, la brebis « 6ll3 » de son nom scientifique, renommée Dolly en hommage à la chanteuse Dolly Parton, était née sept mois plus tôt grâce à une équipe de scientifiques de l’Institut Roslin, de l’Université d’Édimbourg. Pour créer ce clone, et donc donner vie à un être sans aucune fécondation, les scientifiques ont ôté une cellule mammaire d’une brebis adulte avant de la fusionner avec l’ovule non fécondé d’une seconde brebis auquel on avait retiré le noyau. L’embryon ainsi formé a ensuite été implanté dans une brebis porteuse. 

« Cela a été une petite révolution car cela nous a fait changer notre façon de penser », explique auprès de France 24 Pascale Chavatte-Palmer, directrice de recherches au sein de l’unité mixte de recherche de biologie du développement et de la reproduction (BREED) à l’INRAE et spécialiste des questions de clonage animal. « Jusque-là, nous étions persuadés qu’une cellule somatique, c’est-à-dire, qui a déjà une fonction, comme une cellule mammaire, ne pouvait pas revenir en arrière. Avec Dolly, on s’est rendu compte que nous pouvions les faire repartir de zéro. »

Dans les années qui suivent, les clonages se multiplient dans les laboratoires. À l’INRAE, Pascale Chavatte-Palmer participe à la naissance de vaches, de moutons, de lapins, ou encore de rats clonés. « Notre principal objectif était d’essayer de mieux comprendre le développement des cellules et surtout comment un noyau pouvait être reprogrammé », poursuit-elle. 

La vétérinaire de formation se souvient alors de son grand enthousiasme. « On imaginait tellement d’applications, pour l’agriculture, la médecine, pour sauver des espèces en voie de disparition… »

Une technique coûteuse et aléatoire

Vingt-cinq ans plus tard, les techniques de clonage se sont améliorées et affinées mais ces grands rêves ne se sont pas réalisés. « On a vite compris que cela serait beaucoup plus compliqué qu’on ne le pensait », confie la spécialiste. 

Outre les coûts toujours très élevés qu’engendre un clonage, les taux de réussite restent très faibles, atteignant 15 % pour les bovins, 6 % pour les porcins et à peine 1 % pour les primates, selon la vétérinaire. « Et quand ça réussit, il y a souvent des soucis. Certains embryons n’arrivent jamais à terme. Pour les autres, on observe régulièrement des problèmes au niveau du placenta, des anomalies de croissance… » Difficile, donc, d’envisager une démocratisation à grande échelle. 

Malgré tout, la technique a réussi à se faire une petite place dans les entreprises agroalimentaires. Si, dans l’Union européenne, la législation interdit le clonage d’animaux à des fins d’élevage et d’alimentation mais aussi l’importation sur le territoire de produits qui en sont issus, aux États-Unis, au Canada, en Argentine ou encore en Chine, un animal cloné peut se retrouver dans l’assiette des consommateurs.

« Globalement, l’idée est de cloner les meilleurs animaux, dont la viande est la plus chère, et de l’associer à une modification génétique pour améliorer les rendements », explique Pascale Chavatte-Palmer. Mais cela reste limité. « On dénombre environ 500 bovins clonés pour un usage agroalimentaire aux États-Unis chaque année », estime la spécialiste. 

Redonner vie aux animaux domestiques

Mais il n’y a pas que les animaux d’élevage qui peuvent être clonés. Certains y ont aussi vu la solution pour redonner vie à leur animal de compagnie. En 2018, la chanteuse et actrice Barbara Streisand avait ainsi annoncé avoir cloné sa chienne Samantha, pour 50 000 dollars, et avoir récupéré deux chiennes lui ressemblant. 

Depuis 2006, la société sud-coréenne, la Sooam Biotech Research Foundation, pionnière en la matière, propose aux clients – fortunés – de cloner leur chat, leur chien ou encore leur cheval. Selon le journal The Guardian, 700 chiots auraient ainsi été reproduits entre 2006 et 2015.

« On est clairement sur un commerce de niche, à l’image de ceux qui vont dans l’espace pour le plaisir », estime Pascale Chavatte-Palmer. « Surtout que les animaux issus du clonage ne sont pas totalement identiques ! Ils ont le même patrimoine génétique, mais ils n’ont pas le même environnement : ils n’ont pas la même mère, ils ne naissent pas à la même période. Ils pourraient donc avoir des caractères complètement différents. »

Face au risque d’extinction de certaines espèces, d’autres réfléchissent à utiliser le clonage pour tenter de les sauvegarder, voire redonner vie à des espèces éteintes. En février 2021, des scientifiques américains ont ainsi annoncé avoir fait naître un furet  à pattes noires en utilisant l’ADN d’un animal congelé depuis 1988. Là encore, Pascale Chavatte-Palmer est dubitative. « Ce n’est pas une solution viable », estime-t-elle. « Pour vraiment préserver l’espèce, il faudrait réussir à cloner plusieurs animaux, avec des coûts faramineux ». Sans compter que si l’habitat dans lequel il vit est détruit, clone ou non, il risque de ne pas survivre. 

De Dolly aux cellules IPS

À la naissance de Dolly, certains scientifiques envisageaient par ailleurs d’utiliser le clonage à des fins thérapeutiques, notamment pour soigner des maladies dégénératives. Des projets qui ont rapidement buté sur des limites éthiques.

« Tout ce qui touche au clonage humain pose évidemment des problèmes sur le plan éthique et moral, surtout à l’idée de créer des embryons », explique la scientifique. « D’ailleurs, à aucun moment il n’a été question de travailler à un clonage reproductif humain », souligne-t-elle. Dès la naissance de Dolly, les États ont multiplié les garde-fous pour éviter les dérives. Une vingtaine de pays, dont la France, ont signé un protocole interdisant le clonage d’êtres humains dès 1997. En 2005, les Nations unies ont emboîté le pas, interdisant aussi le clonage à des fins thérapeutiques.

Le clonage thérapeutique a finalement été éclipsé par la découverte des cellules souches pluripotentes induites, dites IPS. En 2006, le Japonais Shinya Yamanaka a en effet montré qu’il était possible de reprogrammer une cellule sans passer par un embryon. En bref, si on place une cellule en présence de facteurs particuliers (le cocktail de Yamanaka), on peut la reprogrammer en une cellule quasi embryonnaire, dite IPS. Une technique plus simple, plus rapide et surtout moins compliquée sur le plan éthique. 

« Cette découverte n’aurait certainement pas pu avoir lieu sans Dolly, mais elle a, de fait, rendu le clonage thérapeutique obsolète », estime Pascale Chavatte-Palmer. Aujourd’hui, ces cellules IPS sont régulièrement utilisées pour tester des médicaments, ou dans la recherche dans la lutte contre les maladies dégénératives comme Parkinson. 

Mais depuis quelques temps, le clonage « à la Dolly » offre de nouvelles perspectives dans le domaine médical. Dans la lignée de la réussite de la première xénogreffe – la greffe d’un cœur de cochon sur un humain-, des scientifiques travaillent désormais à cloner puis élever des porcs génétiquement modifiés pour servir de donneurs de cœur pour les humains. « L’objectif est de modifier les cochons pour que leurs organes ne soient pas rejetés par les receveurs. » Sur le principe, on modifie les cellules en culture avant de les introduire dans un ovocyte et de les implanter dans un porc porteur, suivant la même technique que pour Dolly. 

« Aujourd’hui, le clonage est finalement devenu un outil comme un autre pour les scientifiques, avec les défauts qu’on lui connaît. On ne fait plus du clonage pour faire du clonage, il sert toujours à d’autres fins », conclut ainsi Pascale Chavatte-Palmer. 

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