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Les Libanais à la merci de la « mafia des générateurs »

Michel répare, avec l’aide d’un technicien, les fils de son générateur, dans le sous-sol d’un immeuble de Geitawi, à Beyrouth, le 21 février 2022. DALIA KHAMISSY POUR « LE MONDE »

Au sous-sol d’un immeuble de Geitaoui, les clients défilent, la mine contrite, dans l’atelier de Michel (qui préfère conserver l’anonymat), plongé dans la pénombre. La facture que l’exploitant de générateurs privés de ce quartier de la classe moyenne de Beyrouth présente aux 700 foyers et commerces à qui il fournit douze heures d’électricité par jour a augmenté de 25 % en février, à 7 782 livres libanaises (LL), environ 40 centimes d’euro, le kilowattheure (kWh).

« S’il te plaît, je n’ai pas de quoi payer, je dois acheter à manger. Je n’ai que 1 million de livres [près de 50 dollars] pour toi », lui dit une femme âgée, en l’embrassant sur la joue. L’exploitant, résigné, n’imagine pas « débrancher » les habitants du quartier dans lequel il a grandi : « De plus en plus de gens ne peuvent plus payer, et, moi, je ne rentre pas dans mes frais. Je gagnais bien ma vie avant la crise, maintenant je suis menacé économiquement. »

Chers, bruyants et polluants, les 8 000 générateurs privés qui couvrent le pays du Cèdre, avec leurs spaghettis de câbles reliés aux immeubles, ont pris le relais de la compagnie nationale Electricité du Liban (EDL). Fortement subventionné, le secteur s’est effondré avec la crise financière, après des décennies de mauvaise gestion et de corruption qui ont coûté à l’Etat 43 milliards de dollars (37,8 milliards d’euros) entre 1993 et 2020 – soit 46 % de la dette publique.

Des fils reliés à un générateur sont suspendus à un bâtiment du quartier de Geitawi, à Beyrouth, le 21 février 2022. DALIA KHAMISSY POUR « LE MONDE »

Depuis le printemps 2021, la Banque du Liban ne peut plus financer les importations de fioul qui alimentaient les deux centrales du pays. Un don en fioul de l’Irak permet encore à EDL de fournir deux heures d’électricité par jour, soit environ 500 mégawatts (MW) contre 1 500 MW auparavant, pour des besoins estimés à 3 000 MW.

Habitués aux tarifs bas d’EDL, inchangés depuis 1994, et à une collecte erratique, les Libanais ont vu leur facture d’électricité grimper en flèche. Depuis la levée des subventions sur les carburants, à l’automne 2021, les tarifs des générateurs s’alignent sur le cours du mazout, qui a atteint 800 dollars la tonne mi-février. Les économies des Libanais, rognées par la dégringolade de la monnaie nationale, qui a perdu 90 % de sa valeur face au dollar, s’amenuisent. S’offrir un forfait de 5 ampères – de quoi allumer les lampes, le réfrigérateur et la télévision –, à 1,5 million de livres libanaises par mois, soit près de deux fois le salaire minimum, est devenu un luxe dans un pays où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

4 200 dollars de profit par mois en 2018

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