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En Ethiopie, « ceux qui n’arrivaient pas à marcher se sont effondrés » : la guerre oubliée en région Afar

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Femmes éthiopiennes déplacées prises en charge par le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies, le 14 février 2022, dans la ville de Semera, en région Afar. EDUARDO SOTERAS / AFP

Lorsque Nour Burali s’allonge sur une natte pour raconter une nouvelle fois son exode, sa famille l’écoute religieusement, assise autour de lui. Accompagné de ses quatre épouses et de ses onze enfants, le patriarche a parcouru plus de 110 km dans le désert pour fuir la guerre dans le nord de la région Afar. Il s’estime « miraculé » après avoir atteint le camp d’Afdera, établi à la hâte dans une école de cette bourgade. « D’autres n’ont pas eu cette chance, dit-il. On en a laissé beaucoup en route : des vieux qui n’arrivaient pas à marcher, qui manquaient d’eau et se sont effondrés. »

Nour Burali et ses proches sont bien des miraculés tant l’Afar est inhospitalier : le désert qui s’étend dans sa partie septentrionale est l’endroit le plus chaud d’Ethiopie. Les températures y dépassent les 50 °C. Accolée aux frontières de l’Erythrée et de Djibouti, elle borde également la région du Tigré. C’est de là qu’est venu le conflit qui frappe aujourd’hui l’Afar. Fin janvier, les combattants des Forces de défense du Tigré (TDF), en guerre contre le gouvernement central depuis plus de quatorze mois, ont envahi le nord de la région et occupent désormais cette bande de terre.

INFOGRAPHIE LE MONDE

Jusque-là, la province de plus de 2 millions d’habitants était parvenue à rester quasiment neutre dans cette guerre fratricide qui s’est longtemps concentrée au Tigré et en Amhara. Mais l’Afar a été plongée dans le conflit malgré elle. Au mois d’octobre 2021, les insurgés tigréens ont progressé en son sein, cherchant à s’emparer de la route reliant Djibouti à Addis-Abeba, dont dépendent 90 % des importations éthiopiennes. A ce moment-là du conflit, milices afars et soldats fédéraux se battaient côte à côte contre les TDF. Ce n’est désormais plus le cas.

Sentiment d’impuissance et d’abandon

Nour Burali habitait à Abala, une cité de 20 000 habitants en contrebas des montagnes qui délimitent l’Afar du Tigré. Les TDF « avaient positionné leurs canons et leur artillerie sur le col, ils nous ont pilonnés pendant trois jours », se souvient l’ancien gardien d’un bâtiment du gouvernement local. Après les tirs de barrage qui auraient détruit, selon lui, les cinq mosquées de la ville, l’assaut a été donné le 24 janvier.

« On a été pris par surprise dans notre sommeil, poursuit-il. Nos miliciens ont bien tenté de résister pendant deux ou trois heures, mais on a rapidement dû quitter la ville sans rien, sans vêtements, sans argent, sans chaussures. » Depuis, il fait partie des 294 000 déplacés afars qui se sont répartis dans les dix-neufs camps de la région. Tous racontent la même panique et le même exode désordonné sur des chemins désertiques. Plusieurs milliers de personnes seraient encore dans la nature, coupées du monde, sans moyens de communication.

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