Zapping Onze Mondial EXCLU : l’interview « Petite sœur » de Wendie Renard !
Voici quelques extraits de notre interview de Fabio Cannavaro. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°347 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 3 février.
« Aujourd’hui, l’impact du coach est totalement différent comparé au siècle dernier. »
Fabio CannavaroCredit Photo – Icon Sport
La venue au football
« Je devais avoir 8 ans lorsque j’ai commencé à jouer au football. Mon père m’a transmis cette passion pour le football, il était lui-même footballeur. Nous avons commencé à nous entraîner ensemble. »
Le passé de joueur, un avantage ?
« Je l’espère (rires) ! Le métier de coach est vraiment différent de celui de footballeur. On ne peut pas comparer les deux fonctions. Comme joueur, tu es concentré sur toi-même. En tant que coach, tu dois être concentré sur tout : le terrain, hors du terrain, ton staff, tes joueurs, ton club. L’état d’esprit est totalement différent, mais pour être totalement honnête, j’adore ça. »
La vision du foot
« Aujourd’hui, je regarde le foot de manière totalement différente. Ma femme se plaint à chaque fois quand je regarde un match parce que je m’amuse à faire bouger tous les verres de la table comme s’ils étaient des pions (rires). Quand je regarde un match, j’essaye de comprendre, de m’améliorer. »
Entraîneur, une vocation ?
« Non. Lorsque j’ai pris ma retraite, j’étais à Dubaï et je suis devenu conseiller sportif. Après deux ans, j’ai ressenti ce besoin de devenir coach. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur en Italie, et par la suite, j’ai pris un poste d’adjoint à Dubaï. Ensuite, il y a eu la Chine où j’ai réellement commencé ma carrière d’entraîneur. »
Les principes de jeu
« J’ai bien sûr ma propre philosophie de jeu. J’essaie d’améliorer ma vision du football tous les jours. J’ai de la chance puisqu’en tant que joueur, j’ai connu de très grands coachs, peut-être même les meilleurs du monde : Capello, Lippi, Sacchi, Ancelotti, Malesani… J’essaye de m’inspirer de leurs meilleures qualités. »
La pression, un impact sur le résultat ?
« La pression, c’est vraiment quelque chose de personnel. Parfois, cela t’aide à avoir de meilleurs résultats, et parfois cela procure l’effet inverse sur d’autres. Personnellement, j’aime être sous pression, cela veut dire que tu es attendu. »
La différence entre sélectionneur et entraîneur
« Je n’ai été sélectionneur que pendant deux semaines, mais c’est vraiment deux boulots différents. En tant que sélectionneur, tu représentes une nation et tu peux choisir les meilleurs joueurs. En club, tu dois composer avec les joueurs à disposition, mais l’avantage, c’est que tu passes plus de temps avec eux pour leur transmettre tes idées sur le jeu et ta philosophie. En sélection, tu veux tout faire de la même manière, mais en réalité, c’est quasiment impossible car tu n’as que deux semaines voire moins à chaque rassemblement. Le temps, c’est ça la grande différence entre les deux postes. »
La différence entre une bonne et une mauvaise tactique
« (Sans hésiter) Le résultat. »
La bonne tactique toujours synonyme de victoire ?
« Non, ce sont les joueurs qui font la différence. Si tu as de bons joueurs, avec la bonne tactique, tu as plus de chances de gagner. Évidemment, aujourd’hui, l’impact du coach est totalement différent comparé au siècle dernier. Maintenant, on a plus de stats, on en sait plus sur l’équipe adverse, on visionne plus de vidéos, bref, on peut tout savoir sur son adversaire. Le travail derrière chaque match est incroyable. Parfois, tu peux penser avoir préparé le match de la meilleure façon, mais le résultat du match se joue sur un carton rouge, un penalty ou encore d’autres paramètres externes à ton équipe… »
Le système préférentiel
« Mon système préféré, c’est le 4-3-3. Mais dans le football, tu dois être flexible. Si tu n’as pas les joueurs pour évoluer dans ce système, tu ne peux pas aller à la guerre avec eux, tu dois changer ton approche. J’ai joué dans beaucoup de systèmes dans ma vie donc il est très facile pour moi de partager mon expérience avec mes joueurs. »
Le système le plus équilibré
« Tout dépend si tu veux être plutôt offensif ou défensif. Si tu veux être un peu plus défensif, le 4-4-2 est pour moi le meilleur, si tu veux être plus offensif alors il faut privilégier le 3-4-2-1. Cela dépend de la qualité des joueurs. L’efficacité de ton système dépend toujours de la qualité de tes joueurs. Si dans un système offensif je mets des joueurs aux qualités défensives, mon système ne sera pas un système offensif. »
Le système ou le joueur, quelle priorité ?
« Le joueur évidemment. Pour moi, les joueurs sont la clé du football. »
Comment allier philosophie et résultats ?
« Le résultat est évidemment primordial. Mais dans ma conception du football, j’ai aussi envie de transmettre de belles idées sur le football à mes joueurs. Mon boulot est de partager mon expérience avec eux. Tout le monde se souvient de notre but contre l’Allemagne lors de la Coupe du Monde 2006 et on me demande souvent : « Mais pourquoi es-tu sorti de ta surface ? ». Et je réponds : « Quand on laisse le loisir à l’attaquant de mettre la balle au sol, c’est mort ». Pourquoi ? Parce que c’est Maldini qui me l’a dit. Il a partagé son expérience avec moi et mon objectif, c’est de partager ça à mes joueurs. Un joueur s’en souviendra peut-être lors d’une finale de Coupe du Monde ou simplement dans la rue. Pour moi, cette notion de partage est très importante. »
« On parle de tactique, de technique, mais la psychologie est la clé. Avec un match tous les trois jours, on n’a pas beaucoup de temps pour s’entraîner. »
Fabio CannavaroCredit Photo – Icon Sport
Comment contourner un bloc bas ?
« Tout est question de chiffres. C’est difficile de marquer à 4 contre 10 surtout quand ce sont tes défenseurs ou des milieux reculés qui ont le plus souvent le ballon. Il faut trouver l’espace. Les joueurs doivent être au bon endroit au bon moment. On doit casser les lignes. Admettons que devant toi tu aies quatre défenseurs, si tu ne les mets pas en difficulté, ils resteront à quatre et tu n’arriveras pas à passer. L’objectif est de trouver l’espace, le bon timing pour briser la chaîne et jouer des situations où tu seras en supériorité numérique. Ce sont des choses qui se travaillent à l’entraînement. Si j’avais un tableau, j’aurais pu te montrer ça de manière plus précise. »
Comment déjouer une attaque puissante ?
« Lorsque tu te déplaces chez une équipe comme le PSG, par exemple, tu sais que tu peux perdre. Tu dois alors choisir la manière dont tu veux perdre. Si tu y vas pour juste opposer un bloc bas, ça ne te donne pas plus de chances de gagner, surtout que tu as déjà de grandes possibilités de perdre ce match. Moi, j’aime aider mes joueurs à s’améliorer en leur transmettant ma philosophie du football, toujours aller de l’avant, car le football est une histoire d’espace et de temps. Plus je réduis ton temps de réflexion, plus je rends chacune de tes passes compliquées, mieux c’est pour moi. C’est pour ça que mes équipes sont toujours agressives, qu’elles ne te laissent pas le temps de réfléchir. On ferme les possibilités et on utilise les ouvertures adverses pour s’y engouffrer rapidement. »
La définition du bon coach
« Le bon coach, c’est celui qui gagne et qui te fait jouer (rires). À chaque fois qu’un joueur se plaint d’un coach, c’est parce qu’il ne le fait pas jouer ou parce qu’il ne gagne pas. Mon idée, c’est de garder tout le monde concerné par le projet. Tout le monde doit savoir que même si tu ne joues pas un match, tu peux sans doute jouer le suivant alors il faut bien s’entraîner pour être prêt. Je sais que c’est difficile parce que les joueurs veulent souvent tout, tout de suite. Parfois, ce n’est pas possible, donc le coach veut que le joueur pense aussi à ce qui est bon pour le club et l’équipe. Tu veux gagner le championnat ? Tout le monde dans ton équipe doit avant tout servir cet objectif et être concerné, c’est ça ma philosophie. »
L’influence de l’entraîneur dans un match
« Peut-être que dans le passé, les entraîneurs avaient moins d’influence sur un match. Avant, on avait un seul coach dans une équipe, peut-être un adjoint et de temps en temps un entraîneur des gardiens. Aujourd’hui on a des assistants, des préparateurs physiques… L’organisation autour d’une équipe est totalement différente et forcément l’impact sur le jeu l’est également. La préparation d’un match joue vraiment un rôle important. Avant, ça représentait peut-être 20% des raisons d’une victoire, aujourd’hui, on tourne autour de 40%. Évidemment, la victoire dépend beaucoup des joueurs, je peux leur transmettre mes idées, mes systèmes, on peut les préparer de la meilleure des manières, si tu n’as pas des tops joueurs, tu vas avoir du mal à gagner le championnat. »
Le temps nécessaire pour transmettre ses idées
« Ce temps-là dépend beaucoup de combien les joueurs veulent progresser. Je peux partager avec toi mes idées en cinq minutes et juste parce que tu as envie d’apprendre, parce que tu veux t’améliorer, elles te suffiront pour devenir meilleur. Mais peut-être qu’avec d’autres cela demandera plus de temps. En général, les tops joueurs n’ont pas besoin de beaucoup de temps pour comprendre ce qu’on attend d’eux. Cette capacité de compréhension est en réalité la plus grande différence entre un top player, un joueur lambda et un joueur de seconde zone. »
L’importance de la psychologie
« On parle de tactique, de technique, mais la psychologie est la clé. Avec un match tous les trois jours, on n’a pas beaucoup de temps pour s’entraîner. En trois jours, on ne peut pas faire de grosses mises en place individuelles avec les joueurs donc on parle beaucoup. Les joueurs, c’est comme les enfants, ils n’ont pas tous les mêmes besoins, certains vont te demander plus d’attention tandis qu’avec d’autres, tu vas devoir adopter la méthode du bâton et de la carotte pour les faire avancer. »
La gestion des egos
« La performance sur le terrain est toujours la réponse. Donne-moi de bonnes réponses sur le terrain et tu joueras, donne-moi de mauvaises réponses et tu ne joueras pas. Même si tu es un top joueur. Ça ne sert à rien de parler en dehors du terrain, le foot se joue sur le terrain. Ce n’est pas vrai que les entraîneurs traitent tous les joueurs de la même manière, on a des approches différentes quand on parle avec eux, mais le terrain ne ment pas. »
La causerie type
« J’ai évidemment toujours quelque chose à dire avant un match. J’ai aussi un discours avant chaque entraînement, entre chaque match, bref, à chaque rassemblement. C’est le bon moment pour partager tes idées avec tes joueurs. J’évoque ce qu’on a vu ensemble, notre manière de défendre et d’attaquer, je leur rappelle nos principes de jeu. Je ne peux pas juste les envoyer sur la pelouse comme ça, au-delà de l’entraînement, la meilleure manière de rentrer dans la tête d’un joueur, c’est la communication. Donc avant chaque match, pendant deux ou trois minutes, j’évoque notre philosophie et je leur donne les clés pour remporter la rencontre. »
La plus grande fierté
« En tant que joueur, c’est la victoire de l’Italie à la Coupe du Monde. Vous pensiez peut-être que j’allais dire le Ballon d’Or, mais non. Certes, c’est quelque chose d’unique, que tout le monde ne peut pas gagner, mais la Coupe du Monde, c’est quelque chose qui se gagne en équipe alors que le Ballon d’Or, c’est totalement individuel. Un Ballon d’Or ne t’assure pas de gagner sur le terrain alors qu’une équipe solide, oui. »
Pour résumer
L’ambiance est chaleureuse sur la mezzanine de l’hôtel du Musée du Louvres et dénote totalement avec le froid glacial de Paris. Fabio Cannavaro nous y attend, lui qui vient tout juste d’atterrir dans la capitale. L’entretien devait être rapide pour permettre à l’icône italienne de respecter son emploi du temps très chargé, il ne le sera pas. Bien trop à l’aise, l’ancien défenseur, devenu coach et passé notamment par la Chine et l’Arabie Saoudite, invite l’attaché de presse à nous laisser discuter après le temps imparti et regrette même l’absence d’un tableau pour mieux expliquer ses idées.
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