Analyse. Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a surmonté toutes les difficultés : de scrutins risqués se soldant finalement par deux victoires électorales serrées, en 2019 et 2021, comme de scandales éthiques qui l’ont affaibli sans jamais l’abattre. Mais le conflit interminable des camionneurs canadiens du « convoi de la liberté », qui font le siège d’Ottawa depuis le 29 janvier, écorne sévèrement son image : dirigeant jugé « résilient », il est apparu à cette occasion comme un chef de gouvernement passif, voire impuissant à sortir son pays de la crise.
Son inertie aux premiers jours du conflit relève sans doute d’une mauvaise évaluation de la stratégie réelle des groupuscules à l’origine du conflit. Justin Trudeau a voulu croire que l’opposition des camionneurs à l’obligation vaccinale, imposée le 15 janvier pour avoir le droit de traverser la frontière avec les Etats-unis, était le fait d’une « minorité marginale et bruyante ». Mais leur revendication, l’abrogation du passeport vaccinal, s’est vite avérée un leurre. En publiant sur les réseaux sociaux, un « protocole d’accord » réclamant la destitution du gouvernement, Canada Unity est apparu pour ce qu’il était : un groupuscule d’extrême droite animé par des partisans de la mouvance conspirationniste QAnon et par des militants séparatistes canadiens, porteurs d’un agenda politique explicite, la déstabilisation de la démocratie canadienne. Les autorités auront mis du temps à prendre la mesure des multiples ramifications du mouvement avec l’alt-right (la droite ultraradicale) américaine, qui lui aurait apporté un soutien financier, le fournissant peut-être même en armes.
Opposants divisés
Le manque d’anticipation de Justin Trudeau, qui a laissé les camions s’installer dans la capitale sans réagir, s’explique, selon Patrick Taillon, professeur de droit à l’université Laval (Québec) par un mélange de nobles convictions, « le premier ministre est sincèrement attaché au respect des droits fondamentaux telle que la liberté de manifester », et de raisons moins avouables, « il a pris un immense plaisir à voir ses opposants se diviser sur ce mouvement ». De fait, le Parti conservateur a implosé : l’aile ultra-conservatrice a obtenu la tête de son dirigeant, accusé de ne pas soutenir pleinement les camionneurs. Le favori à sa succession, un député de l’Ontario d’obédience libertarienne, réclame aujourd’hui que le « Canada redevienne le pays le plus libre du monde ». L’objectif est de complaire à une base électorale covidosceptique, attirée par les sirènes d’un petit parti populiste, le Parti populaire du Canada, dont le seul mot d’ordre est de dénoncer le caractère « tyrannique » des autorités dans la crise sanitaire.
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