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Le poids croissant des ingérences étrangères dans une Union européenne mal préparée

Le président russe, Vladimir Poutine, lors d’une conférence de presse conjointe avec le chancellier allemand, Olaf Chholz, à Moscou, le 15 février 2022. MIKHAIL KLIMENTYEV / AFP

François Fillon, pour sa nomination au conseil du groupe pétrolier russe Zaroubejneft, Jean-Pierre Raffarin parce qu’il « promeut activement les intérêts chinois en France », Jean-Marie Le Guen car il a intégré le conseil de Huawei France : ces personnalités françaises, anciens responsables politiques, sont citées dans le rapport déposé fin janvier par l’INGE, la commission spéciale du Parlement européen sur les ingérences étrangères, constituée en juin 2020.

Ils ne sont pas les seuls à être mentionnés dans ce volumineux document qui sera discuté en séance plénière au mois de mars. Ils illustrent « l’accaparement des élites » auquel procèdent la Russie et la Chine, tout comme l’Arabie saoudite ou le Qatar, afin de défendre leurs intérêts et partager les réseaux de ces personnalités « au détriment des citoyens de l’Union européenne et des Etats membres ».

D’autres ex-responsables de premier plan sont cités dans ce rapport cinglant. L’ex-chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schröder et l’ancien premier ministre finlandais Paavo Lipponen, qui ont rejoint Gazprom et œuvré pour la réalisation des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ; l’ex-premier ministre belge Yves Leterme, codirecteur du fonds d’investissement chinois ToJoy ; l’ancien commissaire européen à l’élargissement, le Tchèque Stefan Füle, qui a travaillé pour le conglomérat CEFC China Energy ; l’ex-ministre autrichienne des affaires étrangères Karin Kneissl, embauchée par le pétrolier russe Rosneft, etc.

Tous s’en défendront, mais ils participent, selon le rapport, à la stratégie multiforme développée par des régimes dictatoriaux pour polluer le débat démocratique européen, répandre et faire partager leurs idées ainsi que favoriser la polarisation des opinions publiques, avec l’objectif commun de créer « un effet disruptif » dans les sociétés occidentales. A leur profit.

Aucune conscience du danger

Désinformation, manipulation des réseaux sociaux, espionnage, harcèlement de journalistes et de chercheurs, attaques cyber ou investissements dans des secteurs stratégiques et des infrastructures critiques, etc. : ces autres modes d’action des acteurs étatiques, ou de groupes qui leur sont liés, pourraient finir par déstabiliser une démocratie européenne mal préparée, qui dispose de peu d’outils de prévention et dont les dirigeants n’ont, pour la plupart, aucune conscience du danger, jugent les auteurs.

La Russie est particulièrement ciblée, elle qui est intervenue dans les processus électoraux américain, français et britannique au moment du Brexit, relèvent les députés. Ils plaident d’ailleurs pour des enquêtes plus approfondies sur ces épisodes. Moscou finance aussi « des partis populistes, extrémistes et anti-européens en France, en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie ». Avec l’objectif de « légitimer ses positions, réduire son isolement, obtenir la levée des sanctions ». Moscou a d’ailleurs assumé une bonne part des 300 millions de dollars (265 millions d’euros) qui auraient servi au financement d’acteurs politiques dans 33 pays, pas seulement européens. Un montant sans doute largement sous-évalué, compte tenu de la corruption et du blanchiment d’argent évoqués par diverses sources qui étudient les mécanismes de l’influence étrangère en Europe.

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