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Stephen Marglin : « Le capitalisme ne promeut le bien commun que lorsque la main invisible est maîtrisée par la main très visible de l’Etat »

Par Antoine Reverchon

Publié aujourd’hui à 06h00

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EntretienL’économie du futur ne ressemblera ni au passé ni au présent car les limites de la motivation du profit, référence idéologique et moteur du capitalisme, deviennent évidentes, explique l’économiste américain, keynésien convaincu, dans un entretien au « Monde ».

Stephen Marglin, 83 ans, est l’un des rares économistes à avoir perpétué, depuis la chaire Walter S. Barker du département d’économie de l’université Harvard, la tradition « radicale » des années 1960, lorsqu’un mouvement d’économistes critiques du capitalisme avait émergé sur les campus américains. La triple crise, économique, sociale et climatique, qui ébranle le système dominant, lui donne de nouvelles raisons d’affirmer son point de vue.

Les candidats à l’élection présidentielle française s’opposent fortement sur le poids de l’Etat dans l’économie nationale. A droite, il est proposé de réduire le nombre de fonctionnaires et la dépense publique ; à gauche il est proposé d’augmenter les salaires des enseignants, des personnels soignants, etc. Un débat similaire se déroule-t-il aux Etats-Unis alors que va s’ouvrir la campagne des « midterms », les élections de mi-mandat ?

Il s’agit d’une bataille à trois, voire quatre protagonistes. En 2021, les démocrates sont parvenus à une entente cordiale entre leur aile progressiste et les modérés. Mais ils n’ont pas été en mesure de consolider cet accord en raison de la faiblesse de leur position au Sénat. En face, les républicains, partisans du dépenser moins et du taxer moins (les riches), se sont inclinés devant les trumpistes.

L’aile progressiste du Parti démocrate, emmenée à la Chambre des représentants par Alexandria Ocasio-Cortez et ses trois collègues femmes du « Squad » (Ilhan Omar, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib), et au Sénat par Bernie Sanders et Elizabeth Warren, considère que le gouvernement fédéral est l’élément essentiel en mesure de faire avancer sa vision d’une société juste et équitable, combattre le réchauffement climatique, rénover des infrastructures à bout de souffle et parer aux défaillances de la protection sociale.

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Le rôle du gouvernement pour avancer vers une société plus juste commence par une réforme du système fiscal. Les riches paient beaucoup moins qu’ils devraient, et bien moins que par le passé, alors que le fardeau fiscal pèse de plus en plus lourdement sur les classes moyenne et ouvrière. Dans son livre Capital et idéologie (Seuil, 2019), Thomas Piketty a documenté la baisse spectaculaire, depuis la seconde guerre mondiale, de la part des revenus des Américains les plus riches prélevée par l’impôt – passée de plus de 50 % à environ 30 % aujourd’hui – et l’augmentation concomitante de celle prélevée sur les revenus de la moitié la moins favorisée de la population – de moins de 20 % à environ 25 % actuellement.

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