LETTRE DE MONTRÉAL
Le drapeau blanc à la feuille d’érable rouge brandi en étendard à Paris, Wellington ou Canberra, par tous les opposants aux mesures sanitaires liées au Covid-19 : nombre de Canadiens constatent avec effarement que le vent de révolte qui a soufflé en premier dans leur pays a menacé de tempête d’autres coins du monde. Ce sont quelques mouvances ultraconservatrices d’extrême droite inspirées de l’alt-right américaine qui ont lancé le mouvement des camionneurs. Réunis au sein de Canada Unity, ses organisateurs ont réclamé, dans un « protocole d’accord » publié dès le début du siège d’Ottawa le 29 janvier, la « destitution du gouvernement » du premier ministre Justin Trudeau.
Mais comment expliquer que quelques centaines d’individus aient rencontré un tel écho et obtenu le soutien d’une part non négligeable de la population, pourtant vaccinée à près de 90 % ? Le Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation a mené une enquête propre à la seule province du Québec, mais qui a le mérite de lever le voile sur le terreau qui a favorisé l’émergence de ce mouvement.
Les politistes Martin Geoffroy, Frédéric Boily et Frédérick Nadeau ont cherché les ingrédients qui ont permis une telle alchimie. La pandémie constitue d’abord un contexte propice : vingt-deux mois de restrictions sanitaires imposées par le gouvernement fédéral et ceux des provinces ont fragilisé une part importante de la population. Une enquête menée par l’Agence de la santé publique sur les impacts psychosociaux liés à la pandémie a montré qu’un Canadien sur quatre souffrait de stress post-traumatique.
Analyse de 500 vidéos postées sur les réseaux sociaux
Mais au Québec, cette province canadienne francophone qui se vit déjà comme une forteresse assiégée dans l’immensité du territoire nord-américain, la crise sanitaire a offert une opportunité supplémentaire à des groupuscules très divers « d’accélérer l’effondrement des sociétés démocratiques » qu’ils honnissent. Ces mouvances ont toutes en commun de remettre en cause la gravité du Covid-19 ou de critiquer violemment sa gestion par les autorités. Les injonctions émises par le gouvernement fédéral à se faire vacciner, assorties de restrictions sanitaires très dures imposées par le gouvernement de la province qui ont fait du Québec un des champions mondiaux du confinement, ont permis à ces discours contestataires de trouver un écho particulier.
La « typologie des discours conspirationnistes au Québec pendant la pandémie » dressée par ces chercheurs et nourrie de l’analyse de près de 500 vidéos postées sur les réseaux sociaux entre novembre 2020 et janvier 2021 fournit un tableau éclairant de ce qui s’est joué, loin des médias traditionnels, à cette occasion : une convergence des luttes entre des groupes issus de deux matrices idéologiques différentes, l’une d’extrême droite, l’autre spirituelle et religieuse.
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L’article Aux origines du « convoi de la liberté » au Canada, une coalition hétéroclite de mouvances complotistes est apparu en premier sur zimo news.