Publié le : 16/02/2022 – 16:36
Le géant des applications de rencontre Tinder s’est uni à l’ONG française « A voté » pour inciter les jeunes à se déplacer aux urnes lors de l’élection présidentielle. Une initiative inédite en France.
Il est des couples improbables, celui du géant des applications de rencontre Tinder et de l’ONG française « A voté » en est un exemple probant. À partir de jeudi 17 février et jusqu’au 8 avril, les deux partenaires s’unissent à travers une campagne de communication pour « matcher la Gen Z avec le vote ! » Autrement dit, inciter les jeunes à voter à l’élection présidentielle ou du moins les encourager à s’inscrire sur les listes électorales. Avec un slogan : « Si tu dates en bas de chez toi… Alors vote en bas de chez toi ! »
Concrètement, une annonce apparaîtra automatiquement sur l’application de rencontre. Lorsque les utilisateurs « swiperont » les profils [en faisant glisser leur doigt vers la droite de l’écran si le profil leur plaît, vers la gauche pour l’ignorer, NDLR], ils pourront dans le même temps découvrir une sorte de minividéo en quatre volets appelée « Swipe Video Card ». S’ils souhaitent plus d’informations, ils seront renvoyés vers le site de « A voté », qui centralise toutes les démarches à suivre pour participer au scrutin présidentiel de 2022. Dans un second temps, ils pourront être redirigés vers les sites d’inscription sur les listes électorales des services publics.
La politique en hausse sur les profils Tinder
Cette sympathique initiative, qui peut faire sourire de prime abord, traduit une réalité plus sombre : l’abstention des jeunes. « Ce sujet n’est pas nouveau, cela fait quarante ans que l’on en parle, souligne Flore Blondel-Goupil, coprésidente de l’ONG, interrogée par France 24. Mais le phénomène est croissant chez les jeunes. Les dernières élections régionales ont enregistré des taux d’abstention record chez les 18-25 ans. Cela a été un vrai choc. Et les derniers sondages relatifs au taux de participation pour cette présidentielle – élection qui normalement ne souffre pas trop de l’abstention – prévoient là aussi des abstentions record. Il y a bug démocratique. » En effet, selon une récente étude, 59 % des 18-30 ans inscrits sur les listes électorales envisagent de s’abstenir au premier tour de l’élection présidentielle.
Sachant que les jeunes représentent près de 50 % des membres de Tinder, « ce partenariat représente une belle opportunité pour en sensibiliser un maximum, estime Flore Blondel-Goupil. Il est aujourd’hui nécessaire de ramener la démocratie là où se font les échanges, où se forgent les opinions. » À en croire les responsables de l’application de rencontre, le choix de la plateforme est pertinent car la mention du terme « politique » a augmenté de près de 59 % au cours des 12 derniers mois dans les biographies des utilisateurs.
Le fléau de la « mal-inscription »
Pourtant, la non-inscription ou la « mal-inscription » affecte en grande partie les jeunes. « Certes, il y a de nombreux facteurs qui favorisent l’abstention, comme le manque de confiance dans les institutions et dans les responsables politiques, le manque de renouvellement de la classe politique, l’absence de reconnaissance du vote blanc. Mais au sein de notre organisation, nous avons choisi de prendre le problème à la base en travaillant essentiellement sur le problème de la ‘mal-inscription’ qui touche plus particulièrement les jeunes », note la coprésidente.
Être « mal-inscrit », c’est-à-dire être rattaché à un bureau de vote qui ne correspond pas à son lieu de résidence effectif, est principalement lié aux déménagements. Les jeunes quittent en effet souvent le domicile familial pour leurs études. Or être un électeur « mal-inscrit » multiplie par trois le risque d’être abstentionniste. Au total, selon les travaux de la sociologue Céline Braconnier, quelque 7,6 millions de citoyens étaient « mal-inscrits » en 2017 et 51 % d’entre eux faisaient partie de la catégorie des 25-29 ans. À ces « mal-inscrits », il faut encore ajouter entre 3 et 4 millions de non-inscrits.
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Tinder au secours des démocraties
Ce n’est pas la première fois que Tinder soutient de telles initiatives. Par le passé, la plateforme de rencontre avait déjà soutenu en France une campagne sur le consentement. À l’étranger, elle s’est également impliquée dans des actions similaires, notamment lors des élections aux États-Unis en 2020, en Allemagne en 2021, au Brésil en 2018 ou au Royaume-Uni en 2019.
Pas question pour autant pour le site de rencontre de faire de la politique. Lundi 13 février, les Jeunes avec Macron (JAM) ont tenté, sur Tinder, une opération d’ampleur pour inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Tinder a immédiatement réagi en menaçant de bannir ces profils créés selon eux dans le seul cadre d’une campagne politique.
Le verdict des urnes
« A voté » ne compte pas seulement sur Tinder pour amener les plus jeunes sur le chemin des urnes. Depuis le 11 janvier, l’ONG a également noué un partenariat avec le géant Meta en créant un chatbot, c’est-à-dire un espace de conversation digital et ludique. « Parallèlement aux initiatives digitales, il y a aussi des actions menées sur le terrain par notre organisation, notamment auprès des foyers de jeunes travailleurs. Ces derniers ne savent pas toujours bien comment entreprendre les démarches. »
Toutes ces opérations de communication destinées à s’enregistrer sur les listes électorales prendront fin le 4 mars, date de fin des inscriptions. « Ce sera intéressant de consulter les chiffres des nouveaux inscrits à cette date pour savoir si nos efforts ont porté leurs fruits. » Avant les échéances des 10 et 24 avril, où l’on connaîtra pour de bon les taux d’abstention.
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