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ReportageUne possible désescalade russe plonge la capitale ukrainienne dans l’expectative et laisse les habitants circonspects
Dans les rues de la capitale ukrainienne, les bonnes nouvelles venues de Moscou ont supplanté celles, alarmistes, en provenance de Washington. « Les Russes remballent leur acier et ils n’ont rien obtenu. Chou blanc sur toute la ligne ! », s’enthousiasme, mardi 15 février, Mykola (il n’a pas souhaité donner son nom), un étudiant de Kiev qui attend sa petite amie au centre de la place Maïdan inondée de soleil. La veille, le ministre de la défense russe, Sergueï Choïgou, avait annoncé un début de retrait de ses troupes présentes en Biélorussie et à la frontière ukrainienne. « Les Américains disent que l’attaque est pour demain [le 16 février], mais ici, personne n’y croit. C’est du bluff », poursuit le jeune homme, désignant d’un ample geste la scène sous ses yeux. Une capitale paisible, des Kiéviens vaquant à leurs occupations, d’autres, oisifs, profitant du temps magnifique.
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Livreur de son métier, Iouri Koval est tout aussi péremptoire. Ce quinquagénaire assure qu’il « n’y aura pas d’invasion. Les Russes ne peuvent pas défaire un pays qui a traversé Holodomor [famine organisée par Staline en 1932 et 1933] et la seconde guerre mondiale. S’ils nous attaquent, oui, il y aura des dégâts, mais ce sera la fin de la Russie, elle s’effondrera ».
Portraits d’habitants de Kiev, en Ukraine, le 15 février 2022. LORENZO MELONI/MAGNUM PHOTOS POUR « LE MONDE »
Très circonspect en revanche, le ministre des affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, déclarait mardi sur Twitter : « Nous avons une règle en Ukraine : nous ne croyons pas ce que nous entendons, nous croyons ce que nous voyons. Si un véritable retrait suit [le communiqué du ministère de la défense russe], alors nous croirons au début d’une désescalade. »
« Dans le brouillard »
Les Ukrainiens sont d’ailleurs loin de tous camper sur une posture bravache. Svitlana, vendeuse dans le centre commercial situé sous le Maïdan, avoue être soulagée d’apprendre qu’un timide signe de désescalade se profile. « C’est une bonne nouvelle, parce que je suis épuisée par tout ce stress. Cela fait deux mois que je suis sur le qui-vive, se plaint la trentenaire, qui n’a pas donné son nom. On ne sait pas quoi faire, saisir un fusil, chercher un abri antibombardement ? On ne sait plus comment organiser sa vie. Partir à la campagne ou continuer à gagner sa croûte coûte que coûte ? Le monde entier serait soulagé si le spectre de la guerre s’éloignait, et pas seulement nous. Mais c’est un peu trop tôt pour dire que nous sommes sortis du bois, non ? Si vous comprenez ce qui se passe, dites-le moi. »
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A l’inverse, certains ne veulent pas évoquer la situation. « Laissez-nous en paix, on ne parle que de ça à la télé », lance une jeune femme promenant son bébé dans un landau, alors que son mari prend un air désolé. Ihor Zvinets, un ingénieur de 45 ans se dirigeant d’un pas rapide vers un rendez-vous, assure aussi qu’il « préfère ne pas suivre les informations. On ne peut pas vivre en permanence dans le stress. Toutes ces tensions profitent à certains intérêts. Je ne sais pas lesquels, mais quelqu’un tire profit de cette atmosphère, au détriment de notre pays ». Interrogé sur la gestion de la crise par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, l’ingénieur dit douter de ses capacités. « Il n’est pas à la hauteur. C’est [le chef de cabinet du président, Andrii] Yermak, qui gère en réalité le pays. Notre président est un néophyte complet en politique, même si cela fait deux ans qu’il est en fonctions. »
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