Dans une brève allocution faite à la Maison Blanche, mardi 15 février dans l’après-midi, Joe Biden a alterné signes d’ouvertures et messages de fermeté, sur fond d’activité diplomatique toujours frénétique autour de la Russie. Moscou a annoncé un début de retrait des dizaines de milliers de soldats massés depuis plusieurs mois aux frontières ukrainiennes. Ce « serait positif », a jugé le président américain, « mais nous n’avons pas vérifié à ce stade » sa mise en œuvre.
Le ministère russe de la défense a diffusé des images de blindés chargés sur un train, censées illustrer le retour en garnison d’une partie des troupes massées aux frontières ukrainiennes. Un « retrait partiel » confirmé par le Kremlin, qui évoque un « processus normal » et dénonce « l’hystérie » occidentale à propos d’une supposée invasion imminente. « Nous avons toujours dit qu’après l’achèvement des exercices (…) les troupes retourneraient dans leurs garnisons d’origine. C’est ce qui se passe, là », a déclaré aux journalistes le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. La Russie poursuit cependant ses importantes manœuvres en Biélorussie, voisine prorusse de l’Ukraine, jusqu’au 20 février.
Les troupes russes, désormais évaluées par les Américains à « plus de 150 000 » alors qu’ils parlaient jusqu’ici de plus de 100 000, demeurent dans « une position menaçante » autour de l’Ukraine, a déploré Joe Biden. Dès lors, « une invasion demeure tout à fait possible », a-t-il mis en garde.
Prudence de part et d’autre
A l’instar du président américain, les Occidentaux ont pris ces annonces avec prudence. Le plus positif a été le chancelier allemand Olaf Scholz, qui, après avoir été reçu au Kremlin par Vladimir Poutine, a salué « un bon signe », et estimé qu’il y avait « suffisamment de bases de discussion » avec la Russie « pour que les choses évoluent positivement ».
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président russe, Vladimir Poutine, à Moscou, le 15 février 2022. MIKHAIL KLIMENTYEV / AFP
Le président russe a pour sa part assuré que « bien sûr » il ne voulait pas d’une guerre, tout en martelant que l’expansion de l’OTAN constituait une menace pour son pays. Moscou réclame toujours la garantie que Kiev ne pourra jamais rejoindre l’Alliance atlantique. « Il y a un fait : l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN n’est pas à l’ordre du jour », a répondu Olaf Scholz. « Tout le monde doit prendre un peu de recul et se rendre compte que nous ne pouvons pas avoir un éventuel conflit militaire sur une question qui n’est pas à l’ordre du jour », a-t-il ajouté.
Le chancelier allemand aborde là frontalement un sujet extrêmement sensible. Joe Biden, qui est le premier à tempérer les espoirs de Kiev de rejoindre l’alliance militaire, refuse néanmoins de mettre fin publiquement à la posture de la « porte ouverte » qui, au moins en théorie, permettrait à l’OTAN d’accueillir de nouveaux membres.
La France a de son côté invité la Russie à passer des « paroles » aux « actes ». « Les paroles, c’est bien. Nous attendons les actes. Si les actes sont là, ce sera encore mieux », a lancé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, à l’Assemblée nationale, avant que l’Elysée ne déclare que l’annonce russe constituait un « premier signal encourageant » mais « fragile ».
Les sanctions sont « prêtes »
De manière générale, Washington maintient face à Moscou une posture de fermeté, encore rappelée par Joe Biden, mardi. Il a redit qu’une invasion russe de l’Ukraine pouvait intervenir « à tout moment », et prévenu que les sanctions pour y répondre étaient « prêtes ».
Ces mesures « puissantes » mettront notamment « la pression sur leurs institutions financières les plus grandes et importantes et sur des industries clés », a ajouté le président américain, réaffirmant aussi que le gazoduc controversé Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne n’entrerait jamais en service en cas d’attaque russe. Il s’est également dit « prêt à répondre » à toute « attaque asymétrique » contre les Etats-Unis ou leurs alliés de l’OTAN, ce qui peut notamment inclure des cyberattaques.
Le démocrate de 79 ans a aussi, une nouvelle fois, vanté « l’unité » du camp occidental, qui selon lui a été renforcée par cette crise. Les Américains n’ont d’ailleurs de cesse de consulter leurs alliés. Mardi, Joe Biden a par exemple fait le point avec son homologue français Emmanuel Macron, tandis que les chefs des diplomaties américaine, française, allemande et britannique s’entretenaient également de leur côté.
Le américain conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a rencontré de son côté Jakub Kumoch, conseiller du président polonais Andrzej Duda, pour évoquer l’Ukraine et la « coordination transatlantique » sur la « défense et la dissuasion », selon la Maison Blanche.
« Dialogue pragmatique »
Joe Biden a continué de tendre la main à son homologue russe, assurant qu’il existait des moyens de répondre aux « préoccupations de sécurité » de chaque camp. Moscou, qui dément toute volonté d’invasion de l’Ukraine, déplore le rejet par les Occidentaux de ses principales exigences, à savoir la fin de la politique d’élargissement de l’Alliance, l’engagement à ne pas déployer d’armes offensives à proximité du territoire russe et le retrait d’infrastructures de l’OTAN d’Europe de l’Est. Les Occidentaux ont proposé en échange des pourparlers sur des sujets comme le contrôle des armements.
Kiev a annoncé, mardi, que des sites Internet du ministère de la défense et ceux de deux banques publiques avaient été visés par une cyberattaque, les autorités ukrainiennes pointant du doigt « l’agresseur », une expression généralement employée pour désigner la Russie. Une attaque informatique d’ampleur est un des scénarios évoqués comme pouvant être le signe avant-coureur d’une offensive militaire classique.
Parallèlement, le Parlement russe a demandé au président Poutine de reconnaître l’indépendance des territoires sécessionnistes dans l’est de l’Ukraine. Interrogé sur la question, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a assuré aux journalistes qu’il n’y avait actuellement « aucune décision officielle », mais que la demande des députés « reflétait l’avis de la population » russe. Cette reconnaissance constituerait une « agression sans armes », a averti le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à l’Assemblée nationale.
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