Facebook et Google cherchent désespérément le bon équilibre entre la confidentialité des données de leurs utilisateurs et les besoins du ciblage publicitaire, alors que les régulateurs font monter la pression et qu’Apple modifie unilatéralement ses règles.
Les géants d’internet devraient-ils avoir accès à autant d’informations personnelles sur la vie de chacun? Ce flot de données, au cœur du débat, permet aux services numériques de générer des milliards de dollars de recettes publicitaires.
La loi européenne sur les données personnelles (RGPD), entrée en vigueur en 2018, oblige les entreprises à obtenir le consentement explicite des internautes avant d’installer des cookies dits « tiers » sur leur ordinateur.
Ces fichiers informatiques suivent à la trace leur navigation en ligne, pour permettre à des tiers de les cibler ensuite avec des annonces personnalisées.
Et l’Europe entend aller plus loin dans la régulation des plateformes. Les Etats-Unis, de leur côté, multiplient les enquêtes et poursuites contre Meta (Facebook, Instagram, etc) et Alphabet (Google).
« Ils sont vraiment pris entre le marteau et l’enclume. Leur modèle économique entier est menacé », souligne l’analyste indépendant Rob Enderle.
Les « cookies tiers », de plus en plus largement perçus comme désagréables, voire effrayants, constituent l’un des principaux champs de bataille.
Google a promis de remplacer cette technologie, et donc de transmettre moins de données à des tiers. Mais les critiques estiment que les alternatives envisagées pourraient lui permettre de continuer à récolter des infos détaillées sur ses utilisateurs.
Meta, de son côté, souffre avant tout de la décision par Apple d’obliger les éditeurs d’applications mobiles à demander à leurs utilisateurs s’ils veulent bien être pistés. Or la marque compte pas moins d’un milliard d’iPhone actifs, soit autant de consommateurs susceptibles de refuser.
Un changement justifié par le respect de la confidentialité des données, mais qui n’empêche pas la société elle-même de récolter des infos.
Meta estime que cette nouvelle règle, qui affecte la précision du ciblage et donc le prix des espaces publicitaires, va lui coûter 10 milliards de dollars de revenus perdus cette année.
– Autorités remontées –
Autant de nouvelles qui ont suscité des questions sur les perspectives de la société sur le long terme et une chute historique de son cours en Bourse ces dernières semaines.
Le géant des réseaux sociaux explore des technologies de ciblage qui laisseraient les données des utilisateurs « sur leurs appareils, en local, au lieu d’envoyer des infos individuelles à des serveurs », a indiqué l’été dernier Graham Mudd, un vice-président de Meta en charge du marketing des produits.
Rob Enderle estime que Facebook pourrait ainsi contourner le changement d’Apple.
« Mais comme Apple considère Google et Facebook comme des concurrents, il ne va sans doute pas leur faciliter la tâche », note-t-il.
Un bureau de Google à Berlin, en Allemagne, le 22 janvier 2019 (AFP/Archives – Tobias SCHWARZ)
De leur côté, les élus et autorités américaines ont haussé le ton sur ce sujet, surtout depuis le scandale de cet automne, quand une lanceuse d’alerte a fait fuiter des documents internes et clamé devant plusieurs parlements que Meta faisait passer les profits avant la sécurité de ses utilisateurs.
Des Etats et collectivités américaines ont aussi lancé leurs propres procès. Le Texas, l’Indiana, ou encore la capitale fédérale Washington accusent par exemple Google de géolocaliser ses utilisateurs en dépit des promesses de protéger leur confidentialité sur ses services.
En 2022, la publicité numérique devrait rapporter plus de 171 milliards de dollars à Google, soit 30% du gâteau mondial, juste devant Facebook (24% de parts de marché).
– Question de perception –
Et quels que soient les changements mis en place par le duopole, des ONG militent pour une remise en cause en profondeur de leur fonctionnement.
« Je pense que les pubs basées sur le comportement (des gens) sont tout simplement mauvaises pour la société », a déclaré Bennett Cyphers de l’association Electronic Frontier Foundation.
« Les effets négatifs ne se limitent pas aux violations de vie privée. Ce modèle économique a permis à certains aspects les plus toxiques d’internet de prospérer, parce que tout ce qui compte c’est d’attirer l’attention ».
Il cite notamment les « attrape-clics » (liens sensationnalistes), la désinformation et les contenus incendiaires qui génèrent des recettes publicitaires.
Il prône des publicités basées sur le contexte – comme à la télévision – avec des annonces pour des voitures sur un site d’information automobile, par exemple.
Du point de vue de l’industrie, la bataille se joue aussi en matière de perception du public.
« Il y a beaucoup d’inquiétudes sur comment les cookies sont utilisés », reconnaît Angelina Eng, la vice-présidente de l’Interactive Advertising Bureau, une organisation d’entreprises du secteur.
« Nous n’avons juste pas encore trouvé le bon équilibre parce que certains mauvais acteurs donnent l’impression aux gens qu’ils sont suivis à la trace ».
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