Après neuf ans de lutte antijihadiste à laquelle elle a fini par réussir à associer des partenaires européens, la France doit annoncer, cette semaine, une redéfinition de l’opération Barkhane au Sahel. Pressée par la junte malienne de quitter le pays, Paris compte sur ses alliés dans la région, notamment le Niger et le Tchad, afin de poursuivre sa lutte contre l’insurrection jihadiste.
Selon des informations recueillies par France 24, le président Emmanuel Macron doit présenter, mercredi ou jeudi, en marge d’un sommet Union européenne – Union africaine, une réorganisation de l’opération Barkhane. Selon de nombreuses sources, la moitié des 4 800 soldats français actuellement déployés dans le cadre de cette opération sont stationnés au Mali et devraient prochainement quitter le pays.
Sur fond de sentiment antifrançais croissant au Sahel, et après l’expulsion de l’ambassadeur de France à Bamako le 31 janvier, Paris avait annoncé « travailler d’ici la mi-février » à l’adaptation de son dispositif militaire dans la région et va vraisemblablement acter son retrait militaire forcé du Mali.
Lundi, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, affirmait « Si les conditions ne sont plus réunies, ce qui est manifestement le cas, pour qu’on puisse être en mesure d’agir au Mali, on continuera à combattre le terrorisme à côté avec les pays du Sahel qui sont eux tout à fait demandeurs ».
Après neuf ans d’engagement militaire français, et au prix de 53 soldats français morts au Sahel, France 24 fait un état des lieux du dispositif militaire français et européen dans la région.
L’opération Barkhane au Mali
Le 11 janvier 2013, à la demande du gouvernement malien, la France déclenche une opération militaire afin de bloquer l’avancée d’une colonne de jihadistes et de rebelles touareg vers Bamako.
L’année suivante, elle met en place l’opération Barkhane, qui va devenir la plus longue opération militaire extérieure française depuis la fin de la guerre d’Algérie. Elle va compter jusqu’à 5 500 soldats déployés au Mali, au Niger et au Tchad en partenariat avec les cinq pays de la zone sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), membres du G5 Sahel.
Selon les données publiées par le ministère de la Défense en décembre 2021, l’opération Barkhane dispose de trois bases militaires dans le nord du Mali. La principale se situe à Gao et dispose d’hélicoptères de combat, de troupes (appelées GTD, “groupements tactiques désert”), de véhicules blindés lourds et de moyens logistiques de transport.
C’est là qu’est basé l’essentiel du dispositif militaire français au Mali, complété par des éléments de la Task Force Takuba qui compte 800 militaires envoyés par la Belgique, la République Tchèque, le Danemark, l’Estonie, la France, l’Italie, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède. La moitié de cette task force est composée de soldats français. Trois hélicoptères lourds de transports britanniques CH-47 Chinook sont également déployés à Gao depuis mi-juillet 2018.
Le dispositif militaire français et européen au Mali © Studio graphique FMM
Deux autres “bases opérationnelles avancées” sont implantées dans les étendues désertiques du nord du Mali. À Menaka, le commandement et la task force franco-tchèque Takuba opèrent depuis mars 2021 ainsi que la force de réaction rapide héliportée armée par les Suédois. À Gossi, l’armée française dispose d’une unité tactique. Enfin, à Ansongo, on trouve une Unité légère de reconnaissance et d’intervention de la Task Force Takuba.
Entre octobre et décembre 2021, les forces françaises se sont retirées de Kidal, Tessalit et Tombouctou. Début janvier 2022, des instructeurs de l’armée russe et des mercenaires du groupe Wagner se sont installés dans la base militaire de Tombouctou.
Un redéploiement de Barkhane vers le Niger et le Tchad ?
À l’extérieur du Mali, les forces françaises disposent de deux bases militaires permanentes. La première se situe à Niamey, la capitale du Niger, où est installée la principale base aérienne de l’opération Barkhane avec six drones Reaper et 7 avions de chasse de type Mirage. Une unité de combat complète le dispositif sur cette base située à proximité de la zone dite des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger).
Les bases de l’opération Barkhane au Niger et au Tchad © Studio graphique FMM
La ministre française des Armées, Florence Parly, s’est rendue à Niamey début février pour s’entretenir avec le président nigérien, Mohamed Bazoum. Allié régional jugé fiable par la France, le Niger pourrait jouer un rôle central dans le nouveau dispositif militaire qui devrait bientôt être dévoilé.
Plus à l’est, au Tchad, on trouve le poste de commandement de l’opération Barkhane. Une base aérienne est installée à N’Djamena, la capitale tchadienne. Avec 5 à 8 avions de transport, elle assure les missions essentielles de logistique sur un théâtre d’opération de 5 millions de kilomètres carrés (dix fois la France).
En Afrique de l’Ouest, une présence militaire française solidement implantée
Ces dernières semaines, Paris a réaffirmé sa volonté de continuer à lutter au Sahel et en Afrique de l’Ouest contre la propagation du jihadisme vers le golfe de Guinée, déjà constatée dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Bénin.
Les attaques de la semaine dernière dans le nord du Bénin, qui ont fait au moins 9 morts, dont un Français, ont sans doute conforté cette décision, en dépit des tensions avec la junte malienne. L’état-major a d’ailleurs annoncé, samedi, avoir éliminé au Burkina Faso quarante jihadistes impliqués dans les attaques au Bénin.
Pour lutter contre les mouvements affiliés à Al-Qaïda ou au groupe État islamique, Paris peut s’appuyer sur une solide et ancienne présence militaire sur les côtes ouest-africaines.
Les bases militaires françaises en Afrique de l’Ouest, hors dispositif Barkhane © Studio graphique FMM
À Abidjan, la base française de Côte d’Ivoire compte 900 soldats et constitue une plateforme stratégique, « opérationnelle et logistique majeure” et forme “un réservoir de forces rapidement projetables en cas de crise dans la sous-région”, selon le ministère de la Défense.
Au Gabon, un détachement de 350 soldats logés au Camp De Gaulle, près de l’aéroport de Libreville, constitue un réservoir de forces pré-positionnées. Au Sénégal, l’armée française compte 350 hommes à Ouakam et au port militaire de Dakar et dispose d’une escale aérienne.
Enfin, au Sahel, on trouve également le PC de l’“Opération Sabre” installé à proximité de Ouagadougou, au Burkina Faso. Depuis 2009, 350 à 400 soldats des forces spéciales y sont stationnés. La plupart des chefs jihadistes éliminés ces dernières années l’ont été dans le cadre d’opérations menées par cette unité.
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