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Dernière patrouille de l’opération « Barkhane » à Tombouctou, le 14 décembre 2021. FLORENT VERGNES / AFP
Sous pression de la junte au pouvoir à Bamako, Paris et ses partenaires européens s’apprêtent à annoncer leur retrait du Mali, tout en préparant les contours du futur dispositif militaire régional français, alors que les groupes djihadistes conservent leur pouvoir de nuisance au Sahel et menacent les pays du golfe de Guinée.
Selon plusieurs sources concordantes, le président Emmanuel Macron doit annoncer mercredi soir 16 février ou jeudi 17 février un retrait du Mali des forces françaises de l’opération « Barkhane » en marge d’un sommet Union européenne – Union africaine prévu à Bruxelles. Symbole d’une Europe de la défense chère au président français, le groupement européen de forces spéciales Takuba, initié par Paris en 2020 pour partager le fardeau sécuritaire, devrait également quitter le pays et se dissoudra.
Un mini-sommet à Paris avec les chefs d’Etat de pays sahéliens (Niger, Tchad et Mauritanie) et de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest doit avoir lieu avant des annonces, a souligné mardi le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal.
Le statu quo n’est « pas possible dans un contexte très dégradé au Mali, avec la prise de pouvoir par une junte, le refus d’appliquer un calendrier de retour à l’ordre démocratique qui avait pourtant été annoncé et le recours à une milice privée russe », Wagner, réputée proche du Kremlin, a-t-il fait valoir. « C’est impossible de continuer dans ces conditions, tous les autres alliés pensent la même chose », confiait dès samedi à la presse le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet.
Environ 4 300 soldats français au Sahel
Quelque 25 000 hommes sont actuellement déployés au Sahel, dont environ 4 300 Français (2 400 au Mali dans le cadre de l’opération antidjihadiste « Barkhane »), selon l’Elysée.
Entravée et vilipendée depuis plusieurs semaines par la junte de Bamako arrivée au pouvoir au terme de deux coups d’Etat, la France a intensément consulté ses alliés pour trancher sur l’avenir de leur action au Mali, après neuf ans de lutte antidjihadiste ininterrompue à laquelle elle avait fini par réussir à associer des partenaires européens.
Aujourd’hui, les Européens de Takuba comme les partenaires britanniques et américains, qui contribuent à l’effort au Mali, semblent avoir surmonté certains désaccords, en particulier sur le risque de laisser le champ libre à l’influence russe au Mali, selon plusieurs sources proches du dossier interrogées par l’AFP.
Ce front uni constituait un impératif politique pour l’Elysée, dans un double souci : atténuer l’exposition de la France, ex-puissance coloniale, sur fond de sentiment anti-français croissant au Sahel, et éviter une comparaison peu flatteuse avec le départ unilatéral et chaotique des Américains en Afghanistan en août 2021.
Poursuivre la lutte antidjihadiste
Selon une source française proche de l’Elysée, la France a promis de coordonner son retrait avec la mission de l’ONU au Mali et la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM), qui continueront de bénéficier d’un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens.
En revanche, « le vrai “game changer”, c’est que du jour au lendemain les forces armées maliennes seront privées de notre appui aérien, ce qui pose un risque de vide sécuritaire », souligne cette source à l’AFP.
En pleine présidence française de l’Union européenne et à trois mois de l’élection présidentielle française, à laquelle Emmanuel Macron va sans doute se représenter, un retrait forcé du Mali où 48 soldats français ont été tués (53 au Sahel) constitue un douloureux revers.
Paris compte toutefois poursuivre la lutte antidjihadiste dans la région, où les mouvements affiliés à Al-Qaida ou au groupe Etat islamique ont conservé un fort pouvoir de nuisance malgré l’élimination de nombreux chefs. « Nous avons besoin de réinventer notre partenariat militaire avec ces pays, selon la présidence française. Il ne s’agit pas de déplacer ce qui se fait au Mali ailleurs, mais de renforcer ce qu’on fait au Niger et de soutenir davantage le flanc sud. »
Vers d’autres pays d’Afrique de l’Ouest
La ministre des armées Florence Parly s’est rendue à Niamey début février pour s’entretenir avec le président nigérien Mohamed Bazoum, alors que le Niger héberge déjà une base aérienne française.
Paris ambitionne par ailleurs de proposer ses services à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin…) pour les aider à contrer la propagation du djihadisme vers le golfe de Guinée.
Trois attaques à la bombe artisanale la semaine dernière ont fait au moins neuf morts, dont un Français, dans le nord du Bénin. Samedi, la France a annoncé avoir éliminé au Burkina Faso voisin quarante djihadistes impliqués dans ces attentats. L’enjeu des mois à venir sera de rendre moins visible la présence française au travers de « coopérations » renforcées, sans se substituer aux forces locales.
Paris devra également tirer les conséquences de ses ambitions stratégiques déçues au Mali, malgré d’indéniables victoires tactiques contre les groupes armés. Le pouvoir politique malien n’a jamais véritablement déployé les moyens nécessaires pour déployer son autorité et des services dans les zones semi-désertiques ratissées par les militaires de la force « Barkhane ». Et l’armée locale reste très fragile, malgré les efforts déployés pendant des années pour la former et l’aguerrir.
Dans les pays du Golfe, « il serait important d’apprendre des erreurs du Sahel, où des solutions contre-productives ont abouti à un désaveu des politiques sécuritaires des Etats et de l’intervention de leurs partenaires internationaux », estime ainsi Bakary Sambé, directeur régional du Timbuktu Institute.
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