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Des étudiants arrivent pour leur premier jour de rentrée à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, le 1er septembre 2020. JOHN WESSELS / AFP
Les étudiants africains ont la bougeotte et deux ans de crise du Covid-19 n’ont pas étanché leur soif de mobilité. Que ce soit en dehors du continent ou à l’intérieur, le nombre de jeunes qui partent loin pour se former n’a cessé de progresser, atteignant en 2022 près de 550 000 sur une mobilité globale de 5,6 millions. Aujourd’hui, un étudiant « sortant » sur dix est africain et le taux de mobilité continentale est deux fois plus élevé que la moyenne mondiale.
Passés les premiers mois de pandémie où les étudiants ont partout été assignés à résidence, collés à leur écran d’ordinateur, les départs ont repris au gré des réouvertures des frontières, des universités et de la vaccination. La France, de très loin la destination numéro un des jeunes Africains puisqu’elle en accueille un tiers, a vu une hausse moyenne de 16,5 % des « entrants » en 2021, selon les chiffres de Campus France.
Le choix des universités françaises de privilégier un retour rapide aux cours en présentiel et sans jauge a joué en leur faveur. « Les cours en visio ont bien fonctionné pour moi à Cotonou, mais ça n’a évidemment pas la même saveur qu’être dans une grande université étrangère », témoigne Djimmy Djiffa, Béninois, en master 2 de gestion du patrimoine Erasmus +, revenu à Saint-Etienne (Loire) en septembre 2021.
« Le rebond est bien là et l’appétence des jeunes aussi », confirme Laure Coudret-Laut, directrice de l’agence Erasmus + France. Ce programme européen de mobilité étudiante à l’international prévoit un budget 2021-2027 en hausse, à 2,2 milliards d’euros, pour lequel l’Afrique se taille la part du lion avec 40 % destinés aux échanges avec l’Europe et, nouveauté, un volet dédié à la formation professionnelle. « Notre ambition est de construire avec les Etats africains tout un écosystème pour former des techniciens de très bon niveau en partant des besoins réels du continent », explique Mme Coudret-Laut.
Après la France, les Etats-Unis et le Royaune-Uni
Les Etats-Unis, deuxième pays d’accueil des étudiants africains, annoncent, eux, une augmentation de 10,5 % par rapport à 2019, selon les chiffres de l’Institute of International Education. Un regain qui s’explique en partie par le retour, début 2021, d’une administration démocrate à la tête du pays après des années Trump qui avaient largement découragé, voire entravé, la présence des jeunes Africains avec moult tracasseries administratives.
Quant au Royaume-Uni, troisième destination, le Home Office a vu le nombre de visas accordés en septembre 2021 grimper en flèche, porté notamment par les étudiants nigérians, champions de la mobilité, qui ont été presque cinq fois plus nombreux à s’inscrire dans le supérieur qu’en 2019.
Ces hausses s’expliquent notamment par les fermetures totales ou partielles des universités d’autres pays privilégiés par les étudiants du continent comme la Malaisie, l’Arabie saoudite et la Turquie, respectivement 4e, 5e et 7e pays d’accueil.
Enfin, la Chine, premier partenaire économique du continent, a développé une offre d’éducation supérieure de plus en plus courue par les jeunes Africains. Même si leur nombre exact est difficile à établir en raison de l’opacité des autorités chinoises – qui avancent le chiffre de 60 000 étudiants −, il n’en reste pas moins vrai qu’ils ont aussi été priés de rentrer chez eux, Pékin ayant même annoncé le prolongement des fermetures au-delà de début 2022.
Afrique du Sud et Maroc, chouchous du continent
Des décisions qui ont obligé les jeunes à reporter leur projet de mobilité sur d’autres pays, y compris sur leur propre continent. « Pour ne pas avoir de rupture d’études à cause du Covid, beaucoup se sont tournés vers le Maroc, l’Algérie ou la Tunisie », explique le Malien Mamadou Keïta, qui préside la Cellule pour le développement (CPD), une association d’aide aux étudiants maliens installée en France.
De fait, un tiers de la mobilité étudiante africaine a lieu sur le continent lui-même. Les échanges Afrique-Afrique concernent au bas mot 180 000 jeunes chaque année, selon l’Unesco, et sûrement davantage, compte tenu du fait que des poids lourds démographiques tels que l’Egypte, l’Ethiopie et l’Angola communiquent peu de données.
L’Afrique du Sud, qui a reçu plus de 41 000 continentaux en 2019, et le Maroc, dont l’attractivité a triplé en moins de dix ans, sont les chouchous des étudiants, les deux pays ayant de surcroît choisi de garder ouverts leurs établissements en 2020. Viennent ensuite le Sénégal, le Ghana, le Cameroun, l’Algérie, l’Ouganda, le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Bénin, la Tunisie, le Niger, le Burkina Faso, Madagascar et le Rwanda.
« Les confinements ont provoqué des ruptures de scolarité, mais c’est surtout la crise économique qui s’en est suivie qui a fragilisé les étudiants mobiles sur le continent, car ils dépendent de bourses, explique la Nigérienne Fati N’Zi-Hassane, cheffe de division du Développement du capital humain de l’AUDA-Nepad, l’agence de développement de l’Union africaine (UA). Le retour sur les bancs de l’université s’est fait, mais il est difficile de dire combien sont restés sur le carreau. »
Une comptabilité compliquée par la désorganisation qu’a engendrée la crise sanitaire. Etudiants boursiers coincés dans leur pays d’accueil, renvoyés chez eux ou même obligés d’abandonner leur cursus par manque de moyens… « On a vu toutes sortes de situations singulières, explique le Congolais Yamungu Along Boniface, vice-président du bureau intérimaire de l’African Student and Alumni Forum (ASAF) chargé de la mobilité. Les étudiants se sont démenés pour mettre à profit ces longs mois, notamment grâce à Internet, mais 2020 est une année perdue et les bourses n’ont pas toujours pu être prorogées en 2021. Les échanges ont repris avec vaccins et tests PCR et 2022 s’annonce bien, mais nos gouvernements continuent de nous imposer de fortes contraintes de déplacement alors qu’ici, le Covid n’est plus un sujet. »
Partenariats académiques tous azimuts
Les jeunes s’impatientent d’autant plus que le virus, qui circule en Afrique autant qu’ailleurs, tue beaucoup moins, notamment en raison de la jeunesse de la population, dont plus de 70 % ont moins de 30 ans. Une vitalité démographique qui a presque fait doubler le nombre d’étudiants en quinze ans et devrait encore multiplier par deux d’ici à 2030 les 15 millions d’inscrits à l’université, selon les prévisions de l’UA.
Cérémonie de remise des diplômes à l’Université de Kampala, en mai 2021. L’Ouganda est l’une des destinations privilégiées des étudiants africains en mobilité sur leur propre continent. BADRU KATUMBA / AFP
Pour relever ce défi majeur, l’institution panafricaine a annoncé fin 2021 la création, en partenariat avec l’Unesco, d’un organisme continental visant à harmoniser les diplômes et à accélérer l’émergence « d’une communauté de l’enseignement supérieur connectée garantissant un accès abordable aux études ». « La mobilité est en hausse, a indiqué Stefania Giannini, numéro deux de l’agence onusienne dans un communiqué conjoint avec l’UA. Les pôles d’enseignement du continent deviennent les destinations préférées des jeunes Africains. Pour s’adapter, il faut en priorité créer des systèmes inclusifs de qualité certifiée. » C’est dans ce but que, dès 2012, cinq Universités panafricaines régionales (PAU) ont ouvert, sur le modèle de l’Université panafricaine Senghor d’Alexandrie créée en 1989, au Cameroun, au Kenya, au Nigeria, en Algérie et en Afrique du Sud avec un objectif de croissance de 10 % par an.
Le continent s’organise pour faciliter les échanges et les partenariats académiques fleurissent tous azimuts : baptisés Afridi, Mounaf, Capitum ou encore Ramsess, ces plates-formes relient des écoles de Dakar à Antananarivo et de Fès à Pietersburg, en Afrique du Sud, avec l’appui de fonds privés et européens. L’UE, qui vient de fêter les dix ans de son programme de mobilité « IntraAfrique », a développé un réseau qui implique désormais 79 établissements de 25 pays africains. Sans compter les partenariats binationaux à rayonnement régional tels que le Campus franco-sénégalais, le Campus France Côte d’Ivoire, l’Université française d’Egypte et enfin l’ouverture, en 2019, de l’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée (UFTAM). « Le Covid, on va vivre avec, conclut Djimmy Djiffa, qui a fait son master 1 à Alexandrie et se prépare à partir au Portugal, en Roumanie puis en Italie en 2022 et 2023. Mais la jeunesse africaine doit découvrir toutes les possibilités qui s’offrent à elle et qu’elle méconnaît, notamment sur son propre continent. »
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