Collégiale ou verticale, la prise de décision à Moscou revient dans tous les cas à un seul homme : Vladimir Poutine. Ces derniers jours, le chef du Kremlin n’a pas publiquement pris la parole, continuant de souffler le chaud et le froid sur les tensions avec l’Ouest. Comme souvent chez l’ex-agent du KGB devenu président, le silence est l’une des armes tactiques. Pour ne pas donner l’impression d’agir sous pression. Et pour mieux orchestrer le coup d’après. De facto, sur la suite de la crise, c’est le flou le plus total. « Vladimir Poutine n’a pas encore pris sa décision », confiait l’Elysée samedi 12 février après un nouvel échange téléphonique entre Emmanuel Macron et le chef du Kremlin.
Les capitales occidentales ne sont pas les seules à naviguer à vue sur les intentions de Moscou. Et sur les processus de décision du président, 70 ans en octobre prochain après déjà près d’un quart de siècle au pouvoir. En Russie même, son fonctionnement intrigue au-delà des déclarations et oukases. Le mode de décision de Vladimir Poutine serait collégial, assurent les uns : président au centre des tours du Kremlin et au cœur des clans aux intérêts divers, il agirait en équilibriste cherchant un compromis entre ses élites. D’autres affirment que le mode est plus vertical : Vladimir Poutine ne consulterait qu’une demi-douzaine de personnes, un petit comité composé de proches, surtout des faucons issus comme lui des services de sécurité.
Pour l’heure, deux Sergueï sont à l’œuvre, fidèles et opérationnels. Lavrov, indéboulonnable ministre des affaires étrangères, multiplie rencontres et coups de fil. Il se montre à la fois ouvert et sec, aimable et cassant. Le diplomate impressionne par sa connaissance et sa mémoire, son talent et son endurance. Il connaît les dossiers par cœur. Sergueï Lavrov aurait certes vu son influence décroître face à la montée en puissance de ceux prônant une radicalisation dans le verbe et les faits : puisque le divorce entre Moscou et l’Ouest est consommé, le Kremlin devrait cesser ses faux-semblants libéraux et se montrer ouvertement plus offensif. Devant la montée des bellicistes, le ministre se pose même en rempart, jusqu’au-boutiste du dialogue et féru de négociation. Mais, ces derniers jours, il s’est lui-même montré impatient, dénonçant avec sarcasme l’« hystérie » des Occidentaux sur l’imminence d’une invasion russe de l’Ukraine et condamnant « les ultimatums et menaces qui ne mènent à rien ».
Exercices tous azimuts
Sur le terrain, c’est l’autre Sergueï qui applique concrètement la diplomatie de l’incertitude voulue par le Kremlin. Choïgou, l’ami et ministre de la défense, s’emploie à maintenir la pression et à renforcer le sentiment général d’insécurité à l’Ouest. Face aux Occidentaux accusés de ne pas avoir tenu leurs promesses après la chute de l’URSS et d’avoir organisé l’extension de l’OTAN vers les frontières russes, Vladimir Poutine a brandi le 21 décembre 2021 la menace de mesures « technico-militaires ».
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