Jean-Christophe Dumont dirige la division des migrations internationales à la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales à l’OCDE, depuis 2011.
Les pays de l’OCDE sont confrontés à des pénuries de main-d’œuvre, et tentent pour certains comme l’Allemagne d’y remédier en attirant des étrangers. Quelle est la situation de la France ?
En France, l’enjeu démographique est moins marqué qu’en Allemagne ou au Japon. Néanmoins, l’inadéquation entre l’offre et la demande de main-d’œuvre reste un problème dans de nombreux métiers. Des progrès ont été entrepris, notamment dans l’apprentissage. Mais il ne suffit pas d’accroître l’offre de formation pour que les Français les choisissent. Ensuite, nombreux sont les secteurs à faire face à des besoins conjoncturels, en lien avec le plan de relance. Dans ce contexte, comme le dit l’économiste américain George Borjas, l’immigration permet de « mettre de l’huile » dans les rouages du marché du travail. Faire venir des cohortes d’immigrés n’est évidemment pas la solution à des déséquilibres structurels, mais l’immigration fait partie de la solution.
Certains avancent justement qu’avec son taux de chômage la France pourrait se passer d’une grande partie de ces travailleurs étrangers. Que leur répondez-vous ?
Qu’il y ait un taux de chômage élevé ou pas, près de 190 000 personnes arrivent de plein droit en France chaque année, dont 90 000 pour motifs familiaux. L’enjeu essentiel, donc, est de savoir comment faire en sorte qu’elles s’intègrent. Seuls 59 % des immigrés dans l’Hexagone sont en emploi. Or, des études montrent que cet échec relatif de l’intégration a un coût. Avec un taux d’emploi similaire au reste de la population, les immigrés pourraient générer 0,2 % de PIB supplémentaire par an pour les comptes publics.
Quelles sont les pistes d’amélioration à suivre ?
Il faut poursuivre et amplifier les efforts entrepris en matière d’intégration des primo-arrivants aux niveaux national et local. Il faut s’assurer que les immigrés, y compris ceux récemment arrivés, aient accès à la formation professionnelle et améliorer le système d’évaluation et de reconnaissance des compétences. Il est également nécessaire de favoriser l’intégration des femmes immigrées, notamment celles arrivées au travers de l’immigration familiale, dont le taux d’emploi est en moyenne de 15 points de pourcentage inférieur à celui des leurs homologues nées en France. Et puis nous devons penser au long terme, créer des pôles d’excellence et attirer des chercheurs étrangers et les Français expatriés par exemple.
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