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Le Bénin confronté à l’extension de la menace djihadiste sahélienne

Le Bénin va-t-il devoir repenser une partie de la stratégie de sécurisation de sa frontière nord, contiguë du Burkina Faso, assurée en partie par les rangers de l’ONG de conservation sud-africaine African Parks Network (APN) ? Mardi 8 février, neuf personnes ont été tuées, parmi lesquelles cinq gardes forestiers et « leur instructeur français », selon un communiqué de la présidence béninoise. Un massacre qui confirme la poussée de la menace djihadiste venue du Sahel et qui déborde dorénavant sur les pays riverains du golfe de Guinée.

Selon APN, « une équipe de rangers a été prise en embuscade dans le parc national du W au Bénin, alors qu’elle effectuait une patrouille à la limite nord du parc ». La présidence béninoise, elle, ne parle pas d’embuscade. Elle affirme, dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion extraordinaire du conseil des ministres présidé par le chef de l’Etat, Patrice Talon, que la patrouille partie « débusquer des braconniers (…) est tombée sur un engin explosif improvisé (EEI) ainsi qu’une deuxième patrouille, dans les mêmes circonstances ». Jeudi, un autre équipage de reconnaissance a « subi le même sort », précise cette source.

Quel que fut le mode opératoire, le bilan humain est lourd : neuf morts (l’instructeur français, deux agents civils d’APN, cinq gardes forestiers, un élément des forces armées béninoises) et douze blessés. Soit l’enchaînement d’actes terroristes le plus meurtrier que le Bénin a connu.

Zone « critique »

Un ancien militaire français, âgé de 50 ans, sous contrat d’APN en tant qu’instructeur, est mort également dans la première explosion. A Paris, le parquet national antiterroriste a ouvert une enquête pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Les investigations ont été confiées à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Les autorités béninoises ont reconnu que « la portion de terre dénommée “Point triple”, zone frontalière entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger (…) est considérée depuis peu comme critique en raison des actions terroristes observées ». Les premières violences remontent au 1er mai 2019 avec l’enlèvement de deux touristes français – et la mort de leur guide – à deux pas de la frontière avec le Burkina Faso, dans le parc national de la Pendjari, voisin du W, également géré par les Sud-Africains d’APN. Depuis cette date, un poste de l’armée a été attaqué à Porga, le 2 décembre 2021. Plusieurs véhicules militaires ont aussi été ciblés par des EEI.

Aucune de ces attaques n’a été revendiquée. Les connaisseurs de la région ne doutent pas un instant que leurs auteurs sont à rechercher dans les rangs djihadistes. Et plus précisément dans ceux de la Jama’at Nasr al-Islam wal-Muslimin (JNIM ou Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), lié à Al-Qaida. « Cet espace transfrontalier, appelé WAPO, du nom des parcs W, Arly, Pendjari et Oti, qui traversent les frontières du Niger, du Burkina Faso, du Bénin et du Togo, constitue le second fief de JNIM au Sahel après le delta intérieur du Niger [situé au Mali] », affirme même Mathieu Pellerin, spécialiste de ces groupes armés, dans une note publiée au début du mois de février par l’Institut français des relations internationales (IFRI).

« Gestion brutale »

Ce WAPO couvre quelque 32 000 km2 – un peu plus que la Belgique –, désertés en grande partie par les Etats concernés. En 2017, les Sud-africains d’APN ont ainsi obtenu la gestion du Pendjari, puis de la partie béninoise du W, avec pour objectif d’en faire « un pôle d’excellence pour la coordination de la sécurité régionale ». « Le problème est qu’ils se sont mis à dos une partie des populations locales en raison de leur mode de gestion brutal », affirme un connaisseur du dossier. APN aurait notamment déployé « une centaine de rangers armés dotés de petits hélicoptères dans le Pendjari », affirme cette source.

Or, les dossiers à gérer débordent allègrement le cadre de la protection de l’environnement. Ici, l’expansion des groupes djihadistes s’alimente d’un faisceau complexe de raisons, parfois très localisées, comparables pour certaines aux dynamiques en cours au Burkina Faso ou dans le centre du Mali. Des causes qui mêlent la modification des voies de transhumance – consécutive aux violences au Burkina Faso, au Niger et au Mali ou à la création d’espaces écologiques protégés –, les réformes foncières, les conflits entre cultivateurs et éleveurs, un sentiment de marginalisation des populations du Nord par rapport à celles du Sud et une présence militaire inadaptée.

« Pour les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, il est encore temps de prévenir une dégradation de la situation sécuritaire », écrit Mathieu Pellerin, qui redoute toutefois que « le Bénin ne devienne un espace de transit entre le Sahara et le nord-ouest du Nigeria, où la renaissance d’Ansaru [groupe nigérian également lié à Al-Qaida] suscite l’inquiétude ».

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