Tout à l’heure, demain, dans quelques semaines ou jamais. Telle est aujourd’hui la position souple de la Maison Blanche sur la menace d’une opération militaire russe en Ukraine.
Le 2 février, l’administration avait fait savoir qu’elle n’emploierait plus le mot « imminent » pour qualifier ce danger. « Je pense que cela envoyait un message que nous n’avions pas l’intention d’envoyer, a expliqué la porte-parole Jen Psaki, celui que nous savions que Poutine avait pris sa décision. » Cette soudaine correction sémantique, qui a répondu à une certaine irritation des autorités ukrainiennes, ne change rien à la stratégie américaine à deux voies, adoptée depuis début novembre 2021.
La première consiste à préparer en amont des sanctions économiques fortes, en concertation avec les alliés, pour frapper la Russie si ses chars franchissent la frontière. La seconde, très inhabituelle et délicate, est une communication agressive sur les intentions, et pas seulement les actes, de la Russie. Une sorte de dénonciation préventive pour la bonne cause – éviter une guerre – mais qui suscite aussi des interrogations sur cet exercice supposé de transparence. Les Etats-Unis ne se livrent-ils pas ainsi à une campagne de désinformation, faute de preuves avancées, afin de perturber les propres calculs de Moscou ?
Il faut rappeler une évidence. La Russie a suscité, seule, une crise sécuritaire en Europe en massant plus de 120 000 soldats le long de la frontière ukrainienne. Cette fois, aucune opération spéciale clandestine ou niée (comme en 2014), mais une façon de négocier par l’intimidation, en mettant en joue son interlocuteur.
Moscou se propose ensuite de résoudre cette même crise en posant des conditions impossibles à satisfaire à l’OTAN, et en particulier aux Etats-Unis. Le Kremlin sait qu’aucun pays occidental ne sacrifiera un seul soldat en défense de Kiev. Sans ouvrir le feu, le bilan est déjà favorable, de son point de vue. Vladimir Poutine est au centre du jeu et identifie les vulnérabilités adverses. Les enjeux paraissent gigantesques, au-delà même de l’intégrité d’un pays et de la sécurité continentale.
Le miroir des méthodes russes
Le 7 février, Joe Biden a incité les ressortissants américains présents en Ukraine à quitter le pays. Ce serait « sage », estimait le président. « Je détesterais qu’ils soient pris dans un échange de tirs si en réalité [la Russie] envahit. »
Est-ce le traumatisme de l’évacuation chaotique d’Afghanistan qui motive ces propos ? En réalité, cette dramatisation américaine est un choix politique constant, fait dès le début novembre 2021, suscitant en coulisses des réserves en Europe, et imposant parfois un étrange effet de miroir, par rapport aux méthodes russes.
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