Tribune. Les dirigeants américains, européens et leurs alliés ont placé les sanctions économiques au cœur de leur stratégie géopolitique, d’une façon qui n’a guère d’équivalent. Non pas que leur usage soit rare. Au contraire, elles sont partie intégrante de la politique extérieure et de sécurité commune, à tel point que l’Union européenne (UE) applique aujourd’hui plus de quarante régimes de sanctions économiques.
Les Etats-Unis, de leur côté, en font un usage croissant et de plus en plus actif, y compris contre la Chine et la Russie. En aucun cas, cependant, il ne s’agit de sanctions aussi dures contre une puissance de premier plan : l’ambiguïté stratégique est de rigueur, mais on évoque, outre le blocage du gazoduc Nord Stream 2, la coupure de l’accès au système de télécommunication financière Swift, l’interdiction des transactions financières avec certaines grandes banques russes et la limitation drastique des exportations de haute technologie.
Si l’impact économique des sanctions est souvent évident, leur efficacité politique l’est beaucoup moins. La lutte contre l’apartheid reste en la matière un succès marquant, mais on ne peut pas en dire autant de nombre de mesures parfois sévères et durables, comme celles contre Cuba ou la Corée du Nord, entre autres.
De fait, l’importance accordée à l’économie comme critère de décision et de stabilité politique est très variable, surtout dans les régimes autoritaires. Ces derniers peuvent même souvent utiliser les sanctions pour renforcer leurs soutiens, en orientant en leur faveur l’interventionnisme économique que les sanctions appellent généralement en réponse.
Et si les conséquences macroéconomiques peuvent provoquer une contestation populaire contre le régime en place, elles risquent aussi de nourrir un ressentiment à l’égard des pays à l’origine des sanctions. C’est d’ailleurs ce qui a motivé l’évolution européenne vers des sanctions ciblées, visant des individus et, parfois, des institutions, plutôt que l’ensemble de la population, au travers de gels d’avoirs et de restrictions à la circulation ; par nature cependant, de telles mesures sont nécessairement d’ampleur limitée à l’échelle du pays.
Géométrie variable
Les sanctions imposent un coût à toutes les parties prenantes, qu’elles en soient cibles ou émettrices. Leur pertinence est donc conditionnée à un degré d’asymétrie suffisant pour que les coûts infligés dépassent significativement ceux subis (y compris éventuellement par représailles), ce qui explique qu’elles soient plus volontiers employées contre des petits pays. Une large coordination internationale est de ce point de vue un atout majeur, d’autant qu’elle limite les risques de contournement.
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