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Crise ukrainienne : « Les liens unissant géopolitique et ressources naturelles sont bien connus »

Tribune. La crise énergétique actuelle ne serait-elle que la conséquence, logique et temporaire, d’un renoncement progressif aux ressources fossiles ou, plus sombrement, l’amorce d’une nouvelle ère jalonnée de périodes d’instabilité sociale, voire de soulèvements populaires, faisant écho à une situation géopolitique dégradée ? Peu présente dans le débat public, cette question n’en demeure pas moins centrale. Ce qui doit pousser à s’interroger n’est pas tant que les prix des matières premières puissent sporadiquement peser sur le climat social ou que le contrôle des ressources stratégiques serve des intérêts de puissance : il ne s’agirait là que d’un développement regrettable mais prévisible de l’histoire. Que ces tensions sociales et géopolitiques se généralisent doit en revanche inquiéter. Qu’elles interagissent serait un risque plus grave encore. On ne peut en effet exclure que les matières premières deviennent un vecteur permettant d’assujettir l’état social d’une nation aux velléités géopolitiques d’une autre.

Les liens unissant le cours des matières premières, agricoles puis énergétiques, et les revendications populaires sont bien connus, tout comme ceux, utérins, de la géopolitique et des ressources naturelles. De la guerre des farines de 1775 en France aux émeutes de la faim de 2008 en Afrique, de la grande grève des mineurs d’Anzin à la détresse de la population vénézuélienne, chaque crise, chaque révolte sociale, a ses racines propres. Pourtant, rares sont celles qui n’ont pas l’élévation ou la chute du cours des produits de base comme catalyseur.

La dimension géopolitique des matières premières n’est plus à démontrer non plus. Si l’on pense au pétrole et au gaz, on ne peut oublier que le blé a toujours été un élément de conflictualité entre grandes puissances et que les métaux, fondement du pouvoir militaire, sont tout autant l’objet et le moyen des confrontations interétatiques que l’une des clés de voûte de la paix des nations. Cette dynamique perdure : en raison des contraintes pesant sur la disponibilité des métaux dits « critiques », l’agenda américain et européen est désormais à la sécurisation des approvisionnements. Mais, sur le chemin qui mène à la neutralité carbone, cette politique industrielle ne sera pas suffisante sans y ajouter trois autres dimensions.

« Diplomatie du désengagement gazier »

La première est la mise en œuvre de politiques sociales d’envergure permettant de réduire le coût de la transition énergétique que les ménages auront à supporter. A l’image de « l’indemnité inflation » ou du bouclier tarifaire de l’électricité en France, les gouvernements sont conscients du risque de colère et agissent en conséquence. Mais ces mesures conjoncturelles pourraient vite trouver leur limite. La demande d’électricité sera croissante, et des tensions sur le prix des énergies fossiles sont à prévoir.

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