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Criminaliser le viol conjugal, un dilemme indien

LETTRE DE NEW DELHI

Lors d’une manifestation contre le viol et les violences faites aux femmes, à New Delhi, le 29 janvier 2022. BIKAS DAS / AP

Le débat est hautement inflammable dans un pays patriarcal où une très grande majorité des mariages est arrangée, où bien souvent les futurs époux ne se rencontrent que lors de la cérémonie, et où le divorce est une exception.

L’Inde s’interroge depuis plusieurs semaines sur l’opportunité de reconnaître le viol marital. Le sous-continent fait partie des trente-six pays, dont le Pakistan, l’Afghanistan, le Bangladesh, l’Egypte, l’Algérie et le Botswana, qui n’ont pas criminalisé le viol conjugal. Cent cinquante Etats, à l’inverse, ont adopté une législation dans ce sens pour bannir les rapports sexuels non consentis au sein d’un couple. La Grande-Bretagne a reconnu son illégalité dans une loi sur les infractions sexuelles en 2003, estimant que « de nos jours, on ne peut sérieusement soutenir que par le mariage, une épouse se soumet irrévocablement à des rapports sexuels en toutes circonstances ».

Le sujet s’est imposé en Inde à l’occasion d’un recours devant la Haute Cour de Delhi, le 12 janvier, formé par plusieurs associations, dont RIT Foundation et All India Democratic Women’s Association. La justice doit trancher alors que l’Inde considérait jusque-là que ce crime ne peut pas exister au sein d’un couple, une femme étant présumée donner son consentement tacite et perpétuel à son mari après avoir entamé des relations maritales.

Les dispositions sur le viol inscrites à l’article 375 du code pénal indien, écrit du temps des colons britanniques en 1860, exemptent de poursuite les rapports sexuels forcés entre un mari et une femme. Cet article qui définit « le crime de viol » énonce les circonstances dans lesquelles le consentement a été vicié et dispose que « les rapports sexuels d’un homme avec sa propre épouse, si l’épouse a plus de 15 ans, ne constituent pas un viol ».

« Archaïque », « arbitraire »

Les associations contestent cette exception et affirment qu’elle est inconstitutionnelle et contraire aux droits fondamentaux des femmes. Une disposition dénoncée par les avocats comme « archaïque », « arbitraire » donnant la primauté à l’institution du mariage sur les individus.

L’affaire a soulevé l’effroi de groupes de défense des droits des hommes, opposés à tout changement, qui font valoir que la reconnaissance du viol dans le couple reviendrait à transformer les maris en « violeurs » et conduirait ni plus ni moins à l’effondrement de l’institution de la famille. Ils ont appelé sur les réseaux sociaux à une « grève du mariage » ! L’argument de la déstabilisation de l’institution du mariage n’est pas l’apanage de ces groupes, il est également avancé par le gouvernement.

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