Véritable outrage contre l’art, contre l’histoire mais également contre la culture de paix et de la réconciliation, c’est tout cela qui a été visé par le ou les auteurs du saccage, quelques heures avant son inauguration à Amboise [Indre-et-Loire], d’une sculpture en métal à l’effigie de l’émir Abdelkader.
D’abord, rappelons quelques faits. Ce projet d’une sculpture en hommage à Abdelkader dans la cité où il fut détenu entre 1848 et 1852, l’artiste Michel Audiard le porte depuis une quinzaine d’années. Son projet a pu voir le jour à la suite du rapport de l’historien Benjamin Stora chargé par le président de la République d’établir un état des lieux et des préconisations pour apaiser le conflit mémoriel entre la France et l’Algérie.
L’une d’elles stipule la construction d’une stèle, à Amboise, à l’effigie de l’émir Abdelkader pour marquer le 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie et l’indépendance. Quels motifs peuvent être avancés pour expliquer le geste destructeur du ou des auteurs, non revendiqué à ce jour ?
On peut en avancer au moins trois. Au premier rang de ceux-ci : la haine des musulmans, qui monte, nourrie par des discours à prétention politique qui jouent sur les peurs et les désarrois des Français dans un climat délétère où se cumulent grandes mutations internationales et crise sanitaire.
Il y a également des ressentiments venus de plus loin, d’il y a soixante ans et plus. La question mémorielle entre la France et l’Algérie pèse en effet depuis des décennies et envenime les relations entre des millions de Français : pieds-noirs, juifs algériens, harkis, appelés du contingent et citoyens issus de l’immigration algérienne. Près de 8 millions de Français sont directement ou par ascendance concernés par une question qui n’est toujours pas réglée faute de volonté politique et d’initiatives à même de satisfaire les héritiers d’une mémoire fragmentée dont la charge conflictuelle est toujours vive.
Un génie politique et militaire
Mais l’émir Abdelkader mérite-t-il de prendre sur lui le déferlement de cette haine ou de ces ressentiments ? Depuis quelques mois, nous sommes malheureusement confrontés à des réécritures mensongères de l’histoire à des fins électoralistes, et l’on peut se dire que dans la critique haineuse qui est faite du héros algérien, il n’y a qu’une menée révisionniste supplémentaire. La facilité avec laquelle cette histoire biaisée trouve son public, notamment via les réseaux sociaux, s’explique par une méconnaissance de l’Histoire et notamment de cette figure majeure du XIXe siècle.
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L’article Ahmed Bouyerdene et Christian Delorme : « Nous devons nous instruire de l’histoire d’Abdelkader et nous nourrir de son exemple » est apparu en premier sur zimo news.