C’était il y a vingt ans, le 1er janvier 2002. Comme tous les Français, Stéphane Distinguin découvrait les billets d’euros. « Personnellement, je les ai trouvés un peu froids », se rappelle le patron de Fabernovel, une agence de design et de marketing. Ces coupures n’arborent ni personnalités ni monuments célèbres, mais des ponts, des fenêtres et des portes imaginaires.
Les pères de la monnaie unique n’ont pas voulu froisser les ego de chaque pays et ont préféré éviter les choix cornéliens : mieux valait-il Victor Hugo ou Goethe ? Le Colisée ou le Parthénon ? Picasso ou Vermeer ? Sachant qu’il y avait, à l’époque, douze pays pour sept billets (5, 10, 20, 50, 100, 200 et 500 euros), ces symboles nationaux étaient trop compliqués à gérer. La solution abstraite a donc été efficace, mais peu enthousiasmante.
Deux décennies plus tard, M. Distinguin est l’un des dix-neuf membres d’un comité nommé en décembre 2021 par la Banque centrale européenne (BCE) pour repenser les billets. La Française Christine Lagarde, sa présidente, espère les rendre plus attrayants : « Il est temps de revoir leur look, pour que les Européens de tous âges et tous horizons puissent mieux s’y identifier. »
Trancher entre nature et culture
Les dix-neuf sages viennent de domaines divers : un professeur d’archéologie, plusieurs artistes, un spécialiste de l’intelligence artificielle, un photographe… Leur feuille de route n’est pas de réaliser les prochains billets, mais de proposer les thèmes à illustrer. Celui choisi il y a vingt ans était « âges et styles ». C’est pour cette raison que les ponts, fenêtres et portes qui en ont découlé sont chacun dans un style différent – roman, gothique, etc. Le comité doit proposer quelques thèmes alternatifs. Ensuite, la BCE tranchera, puis lancera un concours de design. Objectif : de nouveaux billets vers 2025 ou 2026.
M. Distinguin n’en est qu’au début de sa réflexion. Mais, déjà, il se heurte au même mur que les fondateurs de l’euro il y a deux décennies. D’autant que la tâche s’est compliquée : il n’existe plus que six billets (celui de 500 euros a cessé d’être émis en 2019 pour limiter les activités illégales) et le nombre de pays est passé à dix-neuf. « Plus je réfléchis, plus je me dis que l’abstraction était une bonne solution. » Opter pour des héros nationaux met face à des choix impossibles.
Comprenant néanmoins la volonté de la BCE de tourner cette page trop abstraite, alors que l’époque est au rejet des technocrates, M. Distinguin envisage à ce stade deux ou trois solutions. La première est de dessiner sur les billets des paysages, avec les climats méditerranéen, baltique, atlantique… « La nature est un sujet qu’il sera plus facile de s’approprier. On est dans une époque qui a besoin de renouer avec une conscience plus environnementale. » Autre idée, illustrer les époques ou courants artistiques : Renaissance italienne, Siècle d’or hollandais, impressionnisme… Ou, enfin, choisir des « Européens importés », « des gens qui ont fait le choix de l’Europe », à l’instar de Joséphine Baker, la chanteuse américaine devenue française, récemment entrée au Panthéon.
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