La situation se tend au Canada, où des manifestants anti-mesures sanitaires bloquent depuis bientôt deux semaines les rues de la capitale Ottawa. « Les blocages, les manifestations illégales sont inacceptables » et ont « un impact négatif pour nos commerces, nos manufacturiers », a déploré, mercredi 9 février, le premier ministre Justin Trudeau devant les députés. « Nous devons tout faire pour y mettre un terme », a martelé le chef du gouvernement, n’offrant toutefois aucune voie de sortie de crise politique alors que dans les rues d’Ottawa, la tension est montée d’un cran.
Pour la première fois, la police a adressé un message par communiqué aux manifestants, les informant qu’ils pouvaient dorénavant être arrêtés. Mardi, la police avait fait état de vingt-trois arrestations depuis le début du mouvement. « Nous vous avisons que quiconque bloque les rues ou aide d’autres personnes à les bloquer pourra être poursuivi » et « est susceptible d’être interpellé », a prévenu la police, précisant que des véhicules pourraient être également saisis.
Pont bloqué à la frontière américaine
Outre les rues de la capitale fédérale Ottawa, les chauffeurs routiers et leurs soutiens veulent frapper l’économie en paralysant certaines voies commerciales essentielles. Le blocage, depuis lundi, du pont Ambassador à la frontière avec les Etats-Unis inquiète autorités et milieux économiques, car si Ottawa est un symbole fort, ce n’est pas une capitale économique.
Ce pont suspendu, qui relie l’Ontario à Detroit, aux Etats-Unis, est crucial pour l’industrie automobile mais aussi pour les hôpitaux américains qui emploient de nombreuses infirmières canadiennes. « Le blocage met en danger les chaînes d’approvisionnement, l’industrie automobile, parce que ce pont est un canal clé », a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki.
Près de 2,5 millions de camions empruntent le pont Ambassador chaque année. Plus de 25 % des marchandises exportées entre les Etats-Unis et le Canada y transitent. Selon le gouvernement du Canada, près de 5 000 travailleurs d’usines situées à Windsor, ville canadienne nichée près de Detroit, ont été renvoyés chez eux en raison « des actions criminelles » des manifestants.
« Lorsque ce type de blocus est un frein pour la croissance économique, la production de biens… le gouvernement fédéral doit intervenir », estime de son côté Gilles Levasseur, professeur d’économie à l’Université d’Ottawa. « A l’heure actuelle, nous ne voyons pas la volonté politique d’aller dans cette direction pour réellement faire face au blocus », ajoute-t-il.
« Les blocages aux frontières canadiennes menacent des chaînes d’approvisionnement fragiles qui sont déjà sous pression en raison des pénuries et retards liés à la pandémie », a condamné auprès de l’AFP Brian Kingston, président de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, exigeant la fin des protestations.
« Abandon de toutes les restrictions »
Dans les rues d’Ottawa, quelque 400 poids lourds étaient toujours installés sur la colline parlementaire et sous les bureaux de Justin Trudeau, sans intention d’en partir. Des manifestants ont sorti des barbecues en pleine rue, d’autres jouent au foot. Des bidons d’essence, qui servent à ravitailler les camions en continu, sont disposés çà et là. Et un hélicoptère de la police fédérale survole les lieux, a constaté une journaliste de l’AFP.
Initialement baptisé « convoi de la liberté », ce mouvement canadien visait à l’origine à protester contre la décision d’obliger les camionneurs à être vaccinés pour franchir la frontière avec les Etats-Unis. Mais il s’est rapidement transformé en mouvement contre les mesures sanitaires dans leur ensemble et contre le gouvernement. Depuis, il a fait tache d’huile à l’étranger : les manifestants canadiens sont devenus les nouveaux héros des conservateurs et des opposants aux restrictions, qui appellent à amplifier la mobilisation, de New York à la Nouvelle-Zélande, en passant par la France.
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