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« La déclaration sino-russe de Pékin est l’affirmation d’un autre modèle de gouvernance avec, en ligne de mire, l’ordre international actuel »

Le 4 février 2022, un nouveau modèle démocratique mondial pour le XXIe siècle est né. Conçu pour « une nouvelle ère », il prône le développement durable pour la planète, le dialogue, la justice, la liberté, l’égalité, la confiance mutuelle. La démocratie y est érigée en « valeur humaine universelle » ; elle doit « être exercée dans toutes les sphères de la vie publique » car elle assure « la participation des citoyens au gouvernement de leur pays », elle « reflète les intérêts de toute la population, sa volonté, garantit ses droits et protège ses intérêts ».

Cet avenir radieux est celui que promet une déclaration de seize pages adoptée conjointement par les deux plus grands autocrates du globe, les présidents de Russie, Vladimir Poutine, et de Chine, Xi Jinping, à l’issue de leurs entretiens en marge de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. On aurait tort cependant de ne voir que l’audace – ou le cynisme – de l’hypocrisie dans ces longs paragraphes, ou de sourire à la lecture de telles odes à des valeurs qui ne sont pas plus respectées qu’il ne tombe de neige sur les pistes de ski de Shougang. La déclaration sino-russe du 4 février est beaucoup plus que des mots creux. Derrière cette feuille de vigne pseudo-démocratique, elle est, en de nombreux points, l’affirmation commune d’un autre modèle de gouvernance, un modèle qui conteste directement celui de la démocratie libérale et l’ordonnancement international qui en découle.

Vladimir Poutine et Xi Jinping sont de vieilles connaissances. Le premier est au pouvoir depuis le début du siècle, le second depuis dix ans. Ils se sont rencontrés déjà pas moins de 38 fois, ont cosigné maints documents. « L’amitié entre nos deux pays, proclame la déclaration, ne connaît pas de limites » – la capacité de ces deux leaders à se maintenir au pouvoir non plus. Mais cette fois-ci, c’est différent. Ouvrant leurs entretiens à Pékin, le président Poutine a qualifié le niveau de la relation sino-russe de « sans précédent ».

En quoi est-ce différent ? Mathieu Duchâtel, spécialiste de l’Asie à l’Institut Montaigne, situe cet alignement dans le droit fil d’une autre déclaration conjointe, adoptée le 25 juin 2016, sur « le renforcement de la stabilité stratégique mondiale », notion employée dans le domaine de la maîtrise des armements selon laquelle personne ne peut avoir l’avantage sur l’autre. Un autre communiqué, sur « la promotion du droit international », émanant le même jour des deux ministères des affaires étrangères russe et chinois, remettait en cause l’interprétation occidentale du droit international à un moment où une majorité d’Etats à l’Assemblée générale de l’ONU avait jugé illégale l’annexion de la Crimée par la Russie et où les revendications chinoises en mer de Chine méridionale se heurtaient à la Cour d’arbitrage de La Haye.

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