Le patron des éditions Gallimard s’est dit mercredi « très inquiet » du projet de fusion entre Hachette, premier éditeur français et propriété du groupe Lagardère, et son rival Editis, propriété de Vivendi, la qualifiant de « tsunami » pour le secteur de l’édition et son pluralisme.
« Je pense que c’est un véritable tsunami cette histoire. Je suis très inquiet », a déclaré Antoine Gallimard, à la tête du groupe Madrigall, maison mère des éditions Gallimard fondées par son grand-père, au micro de France Inter.
« On touche à des terrains extrêmement sensibles: le scolaire, le parascolaire. Ce serait des présences des deux grands groupes de l’ordre de 80%: (…) 84% parascolaire, 74% scolaire… En littérature poche, ça serait autour de 65%. Donc c’est énorme », a-t-il détaillé.
« J’ai très peur. Notre grande force en France, c’est la diversité. La grande force c’est d’avoir des libraires indépendants, d’avoir aussi des petits éditeurs, d’avoir des auteurs de toutes sortes. (…) On fait un métier d’artisan. On ne fait pas un métier de grand industriel. Donc la démarche économique et industrielle » portée par Vincent Bolloré « n’a pas de sens », a-t-il martelé. « Cela peut être un vrai problème de dislocation » du marché.
« Il y a une sorte d’illusion, en disant qu’il va créer une sorte de grand système de divertissement à la Disney, et que le livre servira de ressource. Moi je n’y crois pas du tout », selon lui.
Le géant des médias Vivendi, contrôlé par la famille Bolloré, avait annoncé en septembre son intention de monter à 45% du capital du groupe Lagardère, puis de lancer une offre publique d’acquisition sur le solde des actions.
L’opération doit conduire au rapprochement de plusieurs médias comme Europe 1 et CNews, ainsi que des groupes Hachette Livre et Editis, concurrents dans pratiquement tous les secteurs de l’édition.
L’opération doit ainsi être validée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et par la Commission européenne.
« Je ne vois pas comment Bruxelles pourra accepter ce projet. (…) Ce sont des gens très avisés, très attentifs (…) Je veux croire à la profondeur de ce travail », a encore espéré mercredi Antoine Gallimard. « Ce n’est pas en écrasant la concurrence qu’on se grandit ».
En 2004, le groupe Vivendi, sorti du livre pour combler ses dettes, avait été empêché par la Commission européenne de céder la totalité de son pôle d’édition à Lagardère. La partie française, renommée Editis, avait été cédée à des investisseurs avant de revenir fin 2018 dans le giron de Vivendi.
Le marché du livre en France a connu une croissance inédite en 2021, avec une progression de 12,5% en euros constants par rapport à 2020, et de 7,4% par rapport à 2019, selon des chiffres de Xerfi publiés fin janvier par Livres Hebdo.
L’organisation professionnelle du secteur, le Syndicat national de l’édition, avait souligné début janvier le « risque d’abus de position dominante ». Editis, opposé à ce texte, avait répondu qu’il « souscrivait pleinement et par essence aux valeurs du monde de l’édition » et « participait activement à la défense de la librairie indépendante ».
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