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Au Brésil, l’ex-juge Sergio Moro en campagne et droit dans ses bottes

Sergio Moro, ancien ministre de la justice de Jair Bolsonaro, à Curitiba, au Brésil, le 2 décembre 2021. EDUARDO MATYSIAK / AFP

« Je vous préviens, son agenda est plein à craquer, il n’aura pas beaucoup de temps », dit d’emblée son attachée de presse. Elle nous reçoit à la porte de l’Intercontinental, l’hôtel très chic de Sao Paulo où l’ancien juge Sergio Moro, figure de l’opération anticorruption « Lava Jato » (« lavage express ») et « tombeur » de l’ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, dit Lula, réside pendant sa semaine de campagne dans la mégapole. Le candidat à la présidentielle pour le parti Podemos (droite) termine une interview avec la chaîne de télévision catholique Aparecida. Comme à son habitude, l’ex-ministre de la justice de Jair Bolsonaro est calé au fond de son fauteuil, parle lentement, avec de longues pauses, en balançant la tête. Il se déride quand, à la fin de l’entretien, le présentateur lui demande de prendre un selfie avec lui. « C’est pour ma mère », se réjouit le journaliste.

Sergio Moro prévient à son tour qu’il n’a guère de temps. Il insiste sur les alliances qu’il vient de conclure avec les mouvements conservateurs qui avaient organisé les manifestations pour la destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016. Puis, très vite, l’agacement se lit sur son visage quand on lui demande de revenir sur son passé et comment il a vécu le jugement de la Cour suprême, en mars 2021, qui l’a déclaré « partial » et a annulé une partie de ses condamnations, dont celles de l’ancien président Lula ? « Il n’y a jamais eu de partialité, c’est une énorme erreur de la part de la Cour. Mon travail comme juge et comme ministre de la justice a été excellent », rétorque-t-il, irrité.

Méthodes controversées

La contrariété monte d’un cran quand on évoque la fuite organisée par un hacker, en juin 2019, de ses échanges avec les procureurs de l’opération « Lava Jato » sur l’application Telegram, décortiqués dans plusieurs médias alors qu’il était garde des sceaux. C’est cette opération qui a mené à l’emprisonnement, au titre de la lutte contre la corruption, de chefs d’entreprise, de responsables politiques et de Lula, qui séjournera durant un an et demi derrière les barreaux. Alors que Sergio Moro se présentait comme un magistrat intègre et droit dans ses bottes, ces dialogues révélèrent au contraire la violation de sa neutralité. Pendant toute l’instruction, il donnait des conseils au parquet pour mieux démolir les arguments de la défense, avec, en ligne de mire, le cas de Lula.

Sergio Moro relève le menton : « Le Brésil avait une image très négative auprès de la communauté internationale et nous l’avons changé grâce à l’opération “Lava Jato”. » On lui rappelle qu’une partie du corps judiciaire, pourtant acquise à la lutte contre la corruption, rejette vigoureusement ses méthodes. Le professeur en droit constitutionnel à l’université PUC de Sao Paulo Pedro Serrano résume leur perception : « Moro a pratiqué une longue liste de graves irrégularités. Il a orienté les enquêtes, alors que comme juge, il devait rester indépendant du parquet et de la défense. » Moro rejette cette analyse, regarde sa montre et demande une eau gazeuse.

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