Le président français se rend lundi à Moscou et mardi à Kiev afin d’engager la négociation pour une désescalade dans la crise ukrainienne. Il y rencontrera ses homologues russe et ukrainien. Dans une « logique de coordination », il a de nouveau échangé, dimanche soir, avec le président américain, Joe Biden.
Le président français Emmanuel Macron, prompt aux coups diplomatiques, monte en première ligne dans la crise ukrainienne non sans risques face à l’intransigeance du maître du Kremlin.
Après une série d’échanges téléphoniques avec ses homologues russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky, le chef de l’État se rend, lundi à Moscou et mardi à Kiev. En vue de ce voyage, il a de nouveau échangé, dimanche 6 février, avec son homologue américain, Joe Biden, dans une « logique de coordination ».
Il va « aller au contact, engager la négociation dans les termes les plus clairs possibles », a déclaré vendredi la présidence française. « Il ne s’agit pas de tout régler », mais d’avancer vers une « désescalade ».
Il se retrouve ainsi au coeur de la crise, tout comme en 2017 sur la Libye, en 2019 sur le nucléaire iranien ou en 2020 sur le Liban, trois séquences dans lesquelles il s’était fortement impliqué, en vain.
« C’est quelqu’un qui aime beaucoup prendre des risques, sans s’entourer toujours des précautions indispensables », estime Michel Duclos, ancien ambassadeur et conseiller spécial au centre de réflexion Institut Montaigne.
Dans la crise ukrainienne toutefois, Emmanuel Macron avance prudemment, en prenant soin de consulter à chaque étape ses alliés, de l’Américain Joe Biden au Polonais Andrzej Duda.
Face au chancelier allemand Olaf Scholz qui fait ses premiers pas à l’international, le président français, dont le pays assume la présidence tournante de l’Union européenne, se pose aussi en leader de l’Europe.
« La Russie ne souhaite pas parler à l’UE. En Allemagne, la nouvelle coalition n’a pas encore bien pris ses marques. Donc Macron est la voix de l’Europe dans le dialogue avec Poutine », résume Tatiana Kastouéva-Jean, de l’Institut français de relations internationales (Ifri).
Les Européens ont certes très peu voix au chapitre sur le volet principal de la crise, déclenchée par l’accumulation de troupes russes à la frontière avec l’Ukraine. Vladimir Poutine, fort de cette menace militaire, exige avant tout une négociation « d’égal à égal » avec Joe Biden sur une nouvelle architecture de sécurité en Europe.
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« Porte de sortie »
Le conflit déclenché par les séparatistes prorusses dans l’Est de l’Ukraine, qui a fait plus de 13 000 morts depuis 2014, n’en reste pas moins un énorme abcès de fixation.
« Macron a trouvé la seule voie possible pour participer à la négociation, c’est la réactivation du format Normandie », considère Jean de Gliniasty, expert à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et ex-ambassadeur de France à Moscou.
Ce format associe la France, l’Allemagne – toutes deux médiatrices – la Russie et l’Ukraine et est censé mettre en oeuvre les accords de paix de Minsk dans les enclaves séparatistes du Donbass.
« Le seul problème, c’est que ce format est paralysé depuis huit ans parce que les Ukrainiens n’en veulent pas », jugeant les accords à leur désavantage, observe Jean de Gliniasty.
Les Russes, qui reprochent à Paris et Berlin de prendre fait et cause pour l’Ukraine, ont aussi largement boudé ce format, avant d’accepter de le réactiver le 26 janvier.
« Le format Normandie, c’est très clairement une porte de sortie », assure Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou. Dans ce contexte, pour Vladimir Poutine, « la France est une carte parmi d’autres, secondaire mais pas forcément inintéressante ».
« Une certaine pratique »
À moins de se lancer dans une guerre contre l’Ukraine, Poutine dispose de deux options : trouver un compromis avec les Américains sur le contrôle des armements en Europe, et un autre sur le Donbass.
Dans ce jeu complexe, Emmanuel Macron – tout comme Olaf Scholz – sert d’intermédiaire aussi longtemps que Vladimir Poutine et Volodymyr Zelenski ne se parlent pas directement.
« Là, il a une certaine pratique (…). Il a pu acquérir aussi une certaine stature en quatre ans » aux yeux du maître du Kremlin, relève Michel Duclos.
Les relations demeurent néanmoins complexes entre les deux dirigeants. La volonté de dialogue affichée en 2019 par Emmanuel Macron n’a mené nulle part et Moscou s’offre même le luxe de contester l’influence de la France dans son pré carré africain.
Vladimir Poutine se montre en outre pour l’heure inflexible sur le fond. Emmanuel Macron court ainsi le risque que tout cela ne se résume à de la « gesticulation », avance l’expert de l’Iris.
Mais « l’intérêt du Kremlin, ce peut être aussi de créer de la concurrence avec les Etats-Unis, un petit tison » et de « consolider Scholz », esquisse Jean de Gliniasty.
Paris devra ainsi bien se coordonner avec Berlin. Le président français a d’ailleurs échangé vendredi soir avec le chancelier Scholz.
Avec AFP
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