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Une bannière installée dans le cadre des préparatifs pour accueillir le 35e sommet ordinaire de l’Union africaine dans la ville d’Addis-Abeba, en Ethiopie, le 1er février 2022. EDUARDO SOTERAS / AFP
Comme chaque année au moment du sommet de l’Union africaine (UA), les drapeaux des cinquante-cinq Etats membres pavoisent les avenues d’Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie où siège l’institution. Pour cette édition, qui se tient samedi 5 et dimanche 6 février, les autorités éthiopiennes y ont ajouté une touche nouvelle avec des affiches géantes au ton plus politique.
« L’Afrique mérite un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies », revendique l’une d’elles, tandis qu’une autre proclame : « Nous aspirons à un continent uni. » Le hashtag #NoMore (« assez ») est, lui, omniprésent. Ce slogan, lancé par Addis-Abeba pour contrer les pressions internationales lors de la guerre civile éthiopienne, est aussi conçu comme un symbole du panafricanisme.
Après un précédent sommet de l’UA organisé de façon virtuelle en 2021, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a déployé beaucoup d’efforts pour un événement « en présentiel », plutôt que le format hybride initialement privilégié. « Abiy Ahmed a fait un lobbying intense pour que le sommet se déroule physiquement à Addis-Abeba », confirme une source proche de l’organisation continentale.
Le leader éthiopien cherche à redorer son blason, entaché par le conflit dans la province du Tigré, où de possibles crimes contre l’humanité auraient été perpétrés selon une enquête des Nations unies. Avec la venue des chefs d’Etats africains en Ethiopie, « il s’agissait pour lui d’envoyer un message fort sur la fin de la guerre et son contrôle de la situation », poursuit cette source.
« Vague de détentions à motivation ethnique »
En effet, après une avancée rapide des rebelles des Forces de défenses tigréennes (TDF) qui se sont approchés à moins de 200 kilomètres d’Addis-Abeba en novembre 2021, une contre-offensive gouvernementale a forcé l’insurrection à se replier en direction du Tigré, dans le nord du pays.
Les derniers mois ont été périlleux pour le lauréat du prix Nobel de la paix 2019. Face à la progression des TDF, de nombreux pays ont évacué leurs ressortissants en catastrophe et le premier ministre s’est mué en chef de guerre. Il a enfilé l’uniforme militaire pour se rendre au front et soutenir les troupes.
L’état d’urgence décrété par son gouvernement début novembre a débouché sur une importante série d’arrestations, visant des milliers de personnes d’origine tigréenne, qualifiée par Amnesty International de « vague de détentions à motivation ethnique ». En raison de ces violations des droits humains, les États-Unis ont exclu l’Ethiopie de l’accord commercial de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act).
En difficulté auprès de ses anciens alliés occidentaux, le premier ministre compte bien utiliser ce 35e sommet de l’UA comme une vitrine de la normalisation de la situation en Ethiopie. « Accueillir le sommet a beaucoup d’implications, notamment réaffirmer la paix et la stabilité en Ethiopie, réaffirmer notre engagement envers le continent et montrer à nos frères africains les bonnes conditions actuelles dans le pays, déclarait-il sur son compte Twitter le 16 janvier. De plus, nous [l’Ethiopie] allons bénéficier financièrement de ce sommet. »
La guerre du Tigré est un échec
L’organisation en présentiel de cette rencontre annuelle lui permet au passage d’apparaître comme celui qui a tenu tête à l’Occident. Le 26 janvier, jour où les autorités levaient l’état d’urgence dans le pays, la télévision d’Etat, Walta TV, titrait : « La tentative néfaste de certains pays occidentaux de convaincre des pays membres [de l’UA] que l’Ethiopie était trop instable pour accueillir le sommet de l’UA s’est révélée être un fiasco. »
Soucieux de mettre en scène le soutien dont il bénéficie et l’amélioration de la situation sur place, le gouvernement avait appelé la diaspora en janvier à se rendre massivement en Ethiopie pour les fêtes orthodoxes. L’opération s’est révélée un succès, au moins sur le plan de la communication. Le sommet de l’UA en est le second chapitre. La compagnie aérienne Ethiopian Airlines propose d’ailleurs une réduction de 15 % à tous les participants souhaitant se rendre dans le pays.
Mais alors qu’Addis-Abeba se fait belle pour accueillir les délégations africaines, les violences se poursuivent dans les provinces du nord de l’Ethiopie. En région Afar, proche de la frontière djiboutienne, les combats ont déjà fait des centaines de milliers de déplacés. Au Tigré, les frappes de drones de l’armée ont coûté la vie à au moins 221 civils depuis la mi-octobre. S’y ajoutent les déclarations ambiguës d’officiers éthiopiens laissant entendre qu’une nouvelle offensive d’envergure serait en préparation.
Pour l’Union africaine, en revanche, la guerre du Tigré est un échec. L’organisation n’est jamais parvenue à arracher un cessez-le-feu alors que son émissaire pour la Corne de l’Afrique, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, s’y attelle depuis plusieurs mois. Malgré de nombreuses navettes entre Addis-Abeba et Mekele, la capitale provinciale du Tigré, les deux parties sont restées sourdes à ses appels à la paix.
Selon un fin connaisseur de l’institution, la multiplication des coups d’Etats en Afrique de l’Ouest risque de focaliser l’attention lors du sommet, faisant passer au second plan la guerre civile éthiopienne.
Reste que la situation humanitaire au Tigré pourrait resurgir à la faveur du thème choisi pour cette édition : « Renforcer la résilience en matière de nutrition sur le continent africain. » En effet, d’après la dernière évaluation du Programme alimentaire mondial (PAM), 4,6 millions de personnes, soit 83 % de la population du Tigré, sont en situation d’« insécurité alimentaire ».
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