Tribune. Dans la quasi-indifférence, le Yémen connaît depuis des années un drame que les Nations unies elles-mêmes ont qualifié de « plus grand désastre humanitaire au monde ». Vendredi 21 janvier, encore cent civils ont été tués dans une frappe aérienne dont les rebelles houthistes attribuent la responsabilité à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et son allié les Emirats arabes unis.
On aura ces derniers jours moins entendu parler du drame yéménite que du Dakar. Le célèbre rallye-raid, organisé pour sa troisième édition en Arabie saoudite, a ainsi ouvert une année 2022 où le sport et la culture risquent de plus en plus d’être instrumentalisés par des régimes autoritaires qui ont été fortement confortés par le récent déplacement du président de la République dans le Golfe.
Légitimation d’Etats autoritaires
Se tenant juste avant les Jeux olympiques d’hiver en Chine et quelques mois avant la Coupe du monde de football prévue au Qatar, cette course automobile a été marquée par des drames ayant tué ou blessé des participants français, et [pour le pilote français Philippe Boutron sérieusement blessé dans l’explosion qui a frappé le véhicule d’assistance qu’il conduisait], dont les contours laissent à penser qu’il s’agissait d’un attentat.
Dans ce contexte de légitimation d’Etats autoritaires par les mécanismes du « soft power » ou de la diplomatie d’influence, l’Exposition universelle 2020 est un cas d’école. Organisée depuis le 1er octobre dans la ville de Dubaï aux Emirats arabes unis, Expo 2020 Dubai a déjà rassemblé près de 10 millions de visiteurs alors même que nous sommes en pleine pandémie.
Sous le thème « Connecter les esprits, construire le futur », cet événement mondialisé n’est pas seulement l’occasion de mettre en lumière les réalisations des nombreux pavillons représentant les différents pays du monde. Il est aussi la vitrine de la stratégie mondiale de reconnaissance d’un Etat qui développe une intense politique de rayonnement pour se poser en modèle de société.
En dépit de ce qu’il prétend, le pays hôte est loin d’être un exemple en matière de respect des droits humains et des fondamentaux de l’Etat de droit. Il est d’abord utile de rappeler que l’ensemble des infrastructures de cette Exposition a été construit sur le dos de milliers d’ouvriers dont les conditions de vie sont affligeantes.
Esclavage moderne
De même que la communauté internationale se mobilise, à juste titre, pour la situation des travailleurs sur les chantiers de la Coupe du monde de football au Qatar, elle ferait bien de regarder également du côté de l’Exposition universelle de Dubaï. Soumis à un droit du travail inexistant et privés de syndicats, les travailleurs de cette opulente fédération subissent une forme d’esclavage moderne si grave que le Parlement européen a récemment appelé au boycott de cette Exposition universelle tellement son instrumentalisation était contraire aux valeurs de respect de la dignité humaine.
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L’article « Face à la négation des droits humains dans le Golfe, jusqu’où peut aller la realpolitik ? » est apparu en premier sur zimo news.