Editorial du « Monde ». Quatorze ans après ses premiers Jeux olympiques, qui firent découvrir au monde entier l’audace architecturale du nouveau Pékin et exposèrent la fierté d’une puissance en pleine expansion, la Chine a de nouveau rendez-vous vendredi 4 février avec l’olympisme, cette fois pour les Jeux d’hiver, dans un contexte radicalement différent.
Ce contexte est d’abord celui d’une pandémie partie de ce pays même il y a deux ans, et sur les origines de laquelle les autorités n’ont jamais voulu faire la lumière. Arc-bouté sur sa politique zéro Covid, récemment mise à mal par l’irruption du variant Omicron du virus du Covid-19, le leadership chinois a conçu une véritable bulle sanitaire pour isoler la compétition sportive du reste du pays.
C’est un univers quasi orwellien qui accueille athlètes et visiteurs étrangers, séparés du monde et souvent cloisonnés entre eux. Les tickets pour le célèbre stade du « nid d’oiseau » n’ont pas été proposés à la vente pour le public ; les 23 millions de Pékinois sont eux-mêmes soumis à un semi-confinement. Ces Jeux d’hiver sont tout sauf un événement populaire : la petite sphère sportive est si fermée, a relevé notre correspondant, que de nombreux Chinois ignorent même que leur pays accueille des Jeux olympiques.
Démocratie étouffée
La façon dont est mise en œuvre cette contrainte sanitaire reflète une autre contrainte plus large, qui est celle du régime politique. Si, en août 2008, à l’ouverture des Jeux de Pékin, le monde entretenait encore l’espoir d’une Chine qui, sous l’effet de sa spectaculaire croissance économique, de son ouverture aux échanges internationaux et de l’amélioration du niveau de vie de ses habitants, se libéraliserait peu à peu, en 2022 cet espoir n’est plus à l’ordre du jour.
A la tête du Parti communiste depuis dix ans, le président Xi Jinping tient plus fermement que jamais les rênes du pouvoir. Cet automne, le vingtième congrès du PCC devrait lui confier un troisième mandat et confirmer ainsi son emprise sur le pays et la vie d’un milliard et demi de Chinois.
En 2008, Hongkong était un territoire libre, créatif et dynamique. Fermement et méthodiquement, Xi Jinping y a étouffé la démocratie et, au mépris des engagements pris lors de la rétrocession du territoire à la Chine, mis fin au régime « un pays, deux systèmes ».
En 2008, la répression au Tibet concentrait les critiques de la communauté internationale. Aujourd’hui, elle se déroule aussi à grande échelle dans le secret du Xinjiang, où le régime chinois a mis sur pied une gigantesque machine répressive ; des millions de musulmans ouïgours y sont internés dans des camps de rééducation et soumis à toutes sortes de violations des droits humains.
En 2008 à Pékin, des avocats, des journalistes, des artistes tentaient bravement de s’exercer à la libre expression. En 2022, ces espaces d’expression ont été fermés. L’artiste Ai Weiwei, qui avait participé à la conception du stade olympique « nid d’oiseau » de Pékin, vit aujourd’hui en exil.
Symbole d’une politique extérieure désormais axée sur la rivalité avec les Etats-Unis, le président Xi s’entretiendra, en marge des Jeux, avec le président russe Vladimir Poutine, l’un des rares dirigeants qui ont fait le voyage pour l’occasion, en pleine tension russo-occidentale sur l’Ukraine. C’est le premier déplacement à l’étranger de M. Poutine depuis le début de la pandémie ; Xi Jinping, lui, n’est pas sorti de Chine depuis deux ans. Ensemble, a fait savoir M. Poutine, ils « coordonneront » leurs positions sur les « points chauds » du globe. Bienvenue en 2022.
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